Lecture: Terre et Ciel (Théodore Monod)
Une ancienne lecture. Terre et Ciel de Théodore Monod. Je retrouve le livre, par hasard, après l’avoir lu il y a quelques années.
ISBN-10: 2742711643
Reprise ici d’anciennes notes.
page 58
La fabrication d’une bombe ne part jamais d’une bonne intention. L’intention est de détruire des êtres humains, le plus grand nombre possible. Il serait souhaitable que les savants exercent leur conscience et leur sens moral, non seulement ceux qui travaillent dans l’armement, mais aussi les chimistes, les biologistes ou les physiciens. Il faut hélas avouer que nous avons très peu d’exemples de cas de conscience de ce genre. Nous voyons des légions de chercheurs accepter de travailler honnêtement, du mieux qu’ils peuvent, au perfectionnement d’appareils qu’on sait à l’avance destinés à tuer des êtres vivants. Comment concevoir une telle dérive ? Mettre au service de la mort et au service du malheur de l’homme des connaissances acquises au cours de sa formation scientifique est une aberration. Le plus inquiétant, c’est qu’on ne constate aucune révolte chez ces scientifiques.
page 97
La violence dans la nature ne doit pas servir de justification celle des hommes. Au contraire, l’homme en tant qu’être moral a un devoir supplémentaire face à cette réalité.
page 113
La contemplation de la nature ne mène pas à Dieu. Le scientifique en moins sait trop bien combien est terrifiant l’affrontement des espèces. Le spectacle de la nature tel qu’il est soulève, au contraire, des réflexions théologiques considérables parce que si la création relève d’un créateur et que ce créateur est un dieu de miséricorde et de compassion tel qu’on nous le décrit, on ne voit pas très bien comment il peut être à l’origine de tant de souffrances. Comment peut-on imaginer qu’un créateur bienveillant ait organisé, non seulement le carnivorisme, mais aussi le parasitisme ?
page 114
Au contact de la nature, on prend conscience de l’unicité du cosmos. Il y a tellement d’analogies entre ce qui se passe dans la nature et se qui se passe entre les hommes que la solidarité entre les êtres vivants devient évidente. Au contact de la nature, nous découvrons la solidarité qui nous lie au reste des êtres vivants et par conséquent la responsabilité que nous avons envers eux. « Celui qui cueille une fleur dérange une étoile » disait le poète Francis Thompson. Cela montre que se tient dans l’univers et que nous ne représentons qu’un fragment de l’unité.
page 143
Les enfants qui s’amusent à longueur d’année avec des armes en plastique, tout en s’imprégnant de la violence diffusée à la television, intègrent une agressivité qu’ils restitueront tôt ou tard, sous des formes variées. Et puis, à force de s’amuser avec des armes jouets, on finit par accepter l’emploi de l’arme. C’est toujours un danger. Il vaut mieux éviter cela et orienter l’éducation de nos enfants dans une direction connue comme étant souhaitable.
page 145
L’argent a pris une place considérable dans le monde moderne. Il a tout corrompu. C’est le deuxième faux dieu de notre civilisation. L’argent finit par devenir une fin en soi, indépendamment de ce qu’il peut procurer. Des lors, il importe non seulement de savoir le conserver, mais aussi le faire fructifier, de spéculer. « nous sommes possédés par nos possessions » disait mon père.
(…)
Le capitalisme, c’est le pouvoir de l’argent. Ce ne sont pas les entreprises libérales qui chercheront à faire le bonheur des êtres humains. Le capitalisme consiste a fabriquer des choses et à les vendre, et à cumuler le profit, donc le pouvoir, le matériel, afin de continuer à s’étendre. Peut-on imaginer un système différent qui accorderait une plus grande place à l’initiative individuelle, à l’épanouissement des individus ? Je ne sais pas. Chaque système devient ce que les hommes en font. Etant donné leur nature, ils arriveront toujours à pervertir un nouveau type d’organisation.
page 148
Les publicitaires sont très habiles. Le moindre mot, la moindre image n’est pas innocente. Il faut parvenir à faire acheter aux gens un produit dont ils n’ont pas besoin. C’est une science. Les entreprises ne sont pas philanthropiques. Elles ne cherchent pas à faire le bonheur de l’homme. Elles visent à accroître leurs bénéfices, rétribuer leurs actionnaires, (…).
page 151
L’extrême frugalité caractérise mon régime alimentaire. Je me nourris de pain, de pâtes, de fromage et de fruits. Et effectivement j’ai renoncé à la viande. D’une part pour faire une expérience physiologique: prouver que l’homme est capable d’efforts considérables au Sahara avec un peu de riz, une poignée de dattes, quelques gorgées d’eau ou de thé. Mais également pour protester contre les égorgements a vif d’animaux que pratiquent les Sémites, hébreux et musulmans.
page 171
Les paléontologues parlent d’homonisation pour décrire les phases qui ont mené nos lointains ancêtres à ce que nous sommes physiquement et anatomiquement aujourd’hui.
page 172
Il faudrait apprendre aux enfants à regarder les détails de la vie d’un insecte ou d’une fleur. Cela permet de se remettre au niveau des autres êtres vivants. Nous en faisons partie que nous le voulions ou non. Il faut nous familiariser avec cette idée que nous sommes solidaires de tout ce qui vit. Mais on peut aussi entendre ce mot dans un sens philosophique. S’hominiser c’est aussi sortir de notre sauvagerie ancestrale, nous débarrasser de notre héritage préhistorique, et aquérir une nouvelle stature morale. Devenir des Hommes, avec un H majuscule.
page 218
Le grand problème est de savoir si la vie est née d’une intention. Deux systèmes sont possibles, ou bien son apparition s’explique par le pur hasard, par des mutations aléatoires, qui par leur nombre infini au cours de millions d’années ont fini par faire progresser cette chaîne de l’organisme qui va des éponges à l’homme. Ou bien l’apparition de la vie répond à un projet. La chaîne s’est mise en route dans une direction donnée, avec une complexification graduelle et permanente.
page 219
Les apparences me semblent favorables à cette hypothèse. J’ai de la peine à croire que le hasard explique tout contrairement à la thèse officielle neo-darwiniste anglo saxonne. On ne peut quand même pas échapper à la constation que toute l’évolution biologique, la totalité de ce mouvement, s’accompagne d’un accroissement permanent du système nerveux central, c’est à dire du cerveau, et par conséquent probablement pour l’organisme en question, de la possibilité d’accéder à une conscience réfléchie, au sens moral du terme. Cela a conduit a ce que nous sommes actuellement.
page 220
L’évolution biologique manifeste une direction privilégiée, mais il est difficile de parler de but car nous ignorons si les êtres humains ont achevé leur évolution physique.
page 239
Oui c’est une religion de l’amour, de la miséricorde. Remarquons toutefois qu’en grec, il y a deux mots: agape et eros pour designer le mot amour. L’hymne a la charité, l’admirable chapitre de I Corinthiens 13 est l’hymne à l’agape, à L’amour au sens noble du mot.
(…)
Les préceptes moraux de l’Évangile ne sont pas très en vogue dans la société actuelle. La réussite et le profit sont au cœur de notre société. Nous sommes bien loin de l’Évangile.
page 263 264
J’apprécie beaucoup les prières. Je crois qu’il est bon de se remémorer quotidiennement la grille de conduite adoptée. Nous sommes sollicités pas mille autres soucis. Alors prier c’est une façon de conserver le cap que l’on est censé devoir tenir.
(…)
Les exigences morales de la foi doivent s’incarner dans l’action. La croyance n’est pas une entité spirituelle sans interaction avec notre monde de souffrance et d’injustice. Il faut travailler à la transformation de l’homme. Les temps messianiques, il faut les préparer des à présent.
page 279
L’homme moderne redoute le silence car il pressent, confusément, que le silence est une terre de confrontation avec l’essentiel, avec nous-même, avec notre vocation d’homme. Il faut plonger dans le silence comme on s’aventure dans le désert. Il nous faut retrouver le chemin du silence.
page 280
J’aime beaucoup les cimetières anglais autour des églises ou l’on voit les stèles qui sortent du gazon. La tout y est. On retourne à la terre au bénéfice des plantes, on retourne à l’univers, on reprend sa place dans le cosmos.
page 281
Je crois que les Africains ont moins peur de la mort que nous. Cela s’explique, me semble-t-il, par l’importance accordee dans la religion africaine traditionnelle au culte des ancêtres. On vit avec les ancêtres et l’on a conscience que l’on fait partie d’une chaîne. En Occident seul compte l’individu. Et on a fini par le croire, en oubliant qu’il n’est que le maillon d’un flux.
page 284
Préservez la faculté de vous émerveiller, conservez la faculté d’apprendre, de réfléchir, de connaître: voila le message que je donnerais a ceux qui m’entendent. Hélas, les êtres vivants sont pris dans des influences extérieures très efficaces. Il y a dans nos sociétés un système de mise en condition des êtres humains qui nuit à la réflexion. Si on se laisse domestiquer par la presse, la publicité et la television, on perd tout recul face au monde.
page 293
Anarchiste chrétien, cela signifie que l’on se trouve en désaccord avec la structure sociale et politique de son époque, mais que l’on conserve une reference à l’Évangile, à l’idéal évangélique.
Tres sympa de nous faire partager de la reflexion. Il serait sans doute interessant de relier cet article au contenu du blog…