11 mars 2011 … 5 ans déjà
Nous pensons avec émotion et tristesse à toutes les vies perdues et bouleversées par le tremblement de terre, le tsunami et la catastrophe nucléaire qui ont frappé le Japon le 11 mars 2011 et les jours qui ont suivi. C’était il y a cinq ans. Beaucoup de malheur et de destruction qui ont frappé le Japon et son peuple.
Je vais raconter comment nous avons vécu ces événements. A l’époque nous étions à Tokyo.
J’étais au bureau; vingt deuxième étage d’un gros building quand tout s’est mis à trembler. Ma femme était à la maison avec le fils.
Le bureau s’est mis à bouger. Au début les collègues avaient un sourire amusé, jusqu’au moment où on a compris que ce serait pas comme d’habitude, car les secousses n’arrêtaient pas et étaient plus violentes à chaque coup. Alors tout le monde s’est planqué sous son bureau. Le building où nous étions, un truc super classe construit en isolation sismique, faisait des bruits de craquements, et, au 22è étage ça tanguait fort. Les tiroirs des bureaux s’ouvraient et se refermaient comme animés par un poltergeist. Par la fenêtre on voyait l’autre building en face qui tanguait lui aussi comme une énorme barque et on voyait les deux gratte ciels se rapprocher dangereusement.
Tout a bien tenu, incroyable! Plusieurs heures plus tard la TV nous informait du tsunami qui ravageait la région au nord. Je n’ai pas du tout saisi l’ampleur du désastre sur le moment je dois l’avouer. Ma méconnaissance de la géographie. Les trains étaient arrêtés et il y avait des dizaines de milliers de personnes dans la rue qui rentraient chez elles, à pied. Je suis resté au bureau jusqu’à minuit afin d’éviter prudemment la foule et les mouvements de panique en cas de nouvelles secousses, et suis arrivé à la maison vers deux heures du matin.
C’est le lendemain matin que l’on a commencé à entendre parler des centrales nucléaires. L’explosion du premier réacteur devant les caméras des TV, le 12 mars. Tout d’un coup revenaient dans ma tête les images de Tchernobyl. Donc, quoi, Tokyo était tout d’un coup devenue Kiev ? Le 13 au soir le premier ministre japonais affirmait à la TV qu’il fallait construire un nouveau Japon; autrement dit la situation était incontrôlable.
Cinq ans ont passé et on peut affirmer que cela aurait pu être bien pire. Tokyo et le reste du Japon ont eu de la chance; d’autres trucs auraient pu péter, comme les piscines de combustible etc… Le Japon a su aussi garder sa cohésion sociale. Le prix à payer, humain, sanitaire, économique, est cependant considérable. Et ça n’est pas fini, car qu’en est il de la santé de ceux qui vivent dans les régions contaminées ?
Une catastrophe nucléaire se passeraient en France, les gens feraient la chasse aux agents EDF en représailles, j’en suis certain …. Ce serait un sacré bordel.
Enfin, sur toute cette histoire nucléaire j’ai écrit une bande dessinée …
Nous sommes restés à Tokyo jusqu’à ce que nous ayons l’idée de faire examiner un échantillon de la terre de notre jardin à Tokyo et un échantillon de la terre du jardin de mes parents en région parisienne. Je voulais comparer la quantité de merde radioactive qui était tombée dans notre quartier à Tokyo avec un lieu familier et pour moi synonyme de sécurité. … Combien de merde radioactive vivions nous donc avec …
Le résultat indiquait pour l’échantillon de Tokyo une densité de césium vingt fois supérieure à celle de Paris. Je pense que si le rapport avait été seulement de cinq ou huit nous serions restés … Mais vingt c’était bien au dessus du seuil (psychologique) que nous nous étions fixé.
Ca n’est pas très scientifique me direz vous mais sur la question nucléaire les avis sont tellement partagés et les informations tellement contradictoires.
Cela nous a donc décidés à aller voir ailleurs. Par contre nous ne voulions pas fuir pour fuir, mais partir pour construire quelque chose de nouveau. Aussi nous considérions que le risque s’imposait à long terme et pas forcement dans l’immédiat. Mon job étant dématérialisé, je pouvais le faire de n’importe où. Aller vivre à la campagne s’imposait. De fil en aiguille nous avons trouvé notre nouvelle maison.
Wow… Ça m’ a renversé cet article. Ça transforme un souvenir en quelque chose de bien réel. Même pour ceux qui étaient là, je crois que c’est la temps écoulé par après qui permet d’en comprendre l’ampleur. J’étais à Shimizu, Wakayama. Ce n’est pas la même plaque tectonique. La vieille forge avait donnée une seule secousse, assez pour me faire peur. Après on rit un bon coup. Puis ma femme a appelé: de son bureau à Osaka, ça avait frappé dur. Puis les nouvelles ont continuer d’entrer toute la journée. On n’y croit pas vraiment, on ne comprend qu’après…
Quel témoignage ! ainsi nous comprenons pourquoi tu as fait le choix de la campagne – et tu construis une nouvelle vie.
Mes amis à Tokyo ont continué à y vivre en appartement, toujours organisés en prévision d’une catastrophe – mais ils l’étaient déjà.
Merci – Bonne chance pour la suite – amicalement – France
20 fois supérieur? Ah oui… Ca fait réfléchir. Et par rapport au seuil recommandé à ne pas dépasser?
Et donc là, vous n’avez pas seulement quitté Tokyo, vous êtes surtout éloignés géographiquement, je suppose?
Il est bouleversant ton témoignage, c’est un drame pour le Japon
et le pire, c’est que cela pourrait arriver chez nous! ! !
Bon dimanche à toi
Quel quartier de Tokyo, si ce n’est pas trop indiscret ?
J’étais à Nagoya personnellement. Ce n’était « que » shindo 4, mais la secousse était tellement différente des autres, notamment du fait de sa longueur, que cela en était effrayant. Et pourtant, en 9 ans, j’en avais connu des séismes…