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Après le 11 Mars il y a dix ans
Nous vivions à Tokyo.
C’est le lendemain du 11 Mars un jour après le tremblement de terre et le tsunami que les réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima ont commencé à partir en couille et font leurs meltdowns. (en réalité le partir en couille a commencé illico mais c’est le lendemain que j’en ai entendu parler). Puis on voit à la TV les réacteurs qui explosent; un à un.
Très difficile à ce moment de comprendre ce qui se passe. Jusqu’à un certain moment gros naif que je suis je me dis que les choses vont rester sous contrôle et que le gouvernement …. blah blah blah . C’est une intervention du premier ministre japonais le lundi qui suit qui me convainc du contraire et là je me dis ok il fait ce qu’il peut mais c’est hors de contrôle; on sait pas où ça va tout ça, faut prendre de la distance et se mettre en sécurité.
Bien sûr je dis ça alors qu’au même moment il y a des centaines de milliers de personnes dans les régions frappées par le tsunami qui ont perdu des proches et leurs maisons, mais c’est comme ça …
Et donc nous partons d’abord à Osaka, 600 kms à l’ouest. L’hotel à Osaka est plein de Français; des expats la plupart; leurs boites les rapatrient vers la France ou Hong Kong (la rumeur dit que tous les employés d’Areva japon très bien informés bien sûrs de la situation se sont tous barrés à Hong Kong = et ils ont bien fait).
Puis nosu partons aux US: j’avais justement un business trip prévu dans les semaines qui venaient pour travailler sur les budgets et mon boss d’alors nous rapatrie tous les 3 aux US où nous restons alors trois semaines; le temps de voir les choses un peu se décanter. Ca nous a bien aidé.
Trois semaines plus tard nous sommes de retour à Tokyo; les choses dans leur apparence sont retournées à la normale. Mais au fond tout a changé… notre fils n’ a alors que 7 ans. Rester à Tokyo l’expose t il à un danger ? Voilà la question que nous nous posons.
On Reprend le train train à Tokyo, au même moment il y a tant de malheureux plus au nord, et aussi les employés de Tepco qui essaient de refroidir et de colmater les réacteurs. Ils s’exposent à un tel risque. Dans les médias on voit des montagnes de mensonges et de désinformations; la vérité est si laide; elle ne peut être dite.
Les enfants et la vérité sont les premières victimes des guerres.
Tout celà je l’ai plus tard bien montré dans ma bande dessinée Tout Ira Bien.
Il faut ajouter que un mois avant le tremblement de terre nous avions emménagé dans une maison que nous avions achetée…. Quitter Tokyo … alors qu’on avait mis toutes nos pépètes dans cette maison … avec un gros emprunt à la banque… alors que tout semble normal ? Comment juger, s’il l’on peut rester … s’il vaut mieux partir … Nous sommes bloqués.
Les infos de l’ambassade française sont rassurantes. Mais …. il y a des intérêts politiques et économiques importants bien sûr et une collaboration considérable dans le domaine du nucléaire.
Les choses sont claires; les gouvernements … gouvernent… Ils ne sont pas omnipotents. Leurs capacités sont très limitées. Les marches de manoeuvre sont quasi nulles. Bien sûr si ils peuvent le faire ils vont tenter de protéger les populations mais dans de tels cas; de catastrophes majeures … ils peuvent pas faire grand chose et attendre quoi que ce soit de leur part est une grave erreur. Il revient à chacun de se protéger et de faire le nécessaire.
A tokyo un spécialiste de la criirad (Bruno Chareyron ?) fait une conférence. On va voir bien sûr.
Of course je visionne sur youtube tous les documentaires disponibles. Tout sur Chernobyl. Tout sur les essais des bombes. Tout sur les mines d’uranium. Tout ! On essaie de comprendre.
J’essaie de trouver un compteur geiger, très difficile à trouver sur le net. Ruptures de stock mondiale. Je donne un coup de fil à la criirad en France.
Une personne super aimable me répond je me souviens plus des détails mais elle m’envoie un compteur radex. Nous commençons à mesurer un peu partout; c’est passionnant tout ça ! On remarque des chiffres plus élevés au niveau de l’écoulement des gouttières autour de notre maison. Il y a eu donc des retombées suite aux explosions des réacteurs.
A Tokyo je déjeune avec une connaissance, un Russe qui s’est fait l’importateur exclusif au Japon de radiodétecteurs russes. Il me raconte comment il est allé visiter les fabricants Russes au milieu de la Sibérie. Une histoire extraordinaire, franchement. Il a dû gagner plusieurs millions de dollars c’est sûr avec ce business. Il me dit acheter toute sa bouffe à Costco (importée des US) et manger le moins de choses possibles du Japon.
Bien sûr le risque alors c’est dans les aliments. Car tout a été contaminé. Et chaque jour dans les journaux on découvre l’ampleur: les égouts sont contaminés et regorgent de césium. Les forêts sont contaminées. les sangliers sont contaminés. Le pollen des arbres est contaminé. La terre est contaminée. Les rivières sont contaminées. L’eau du robinet est contaminée. Le thé est contaminé. Les champignons. Le riz. Les poissons. Que mangent les vaches et les cochons ? La Russie arrête d’importer des voitures japonaises d’occasion; désormais radioactives … Bien sûr il y a toujours un spécialiste ou un professeur; directement sorti du cul du monde, qui va affirmer à la tv que le niveau de contamination mesuré est ‘dans les normes’. Les spécialistes; ça s’achète …
Avec Manu mon ami on se dit ok on va faire comme les punks à chien; se nourrir exclusivement de bière et de cacahouètes … Mais alors mon fils de 7 ans … pour la bière ….
Bref nous tournons en rond ainsi pendant un an. Il nous a fallu un an pour arriver à la conclusion de quitter Tokyo et sa région.
Les gens ont réagi de différentes façons vous savez. Les personnes les plus sensibles au sujet de la contamination radioactive sont parties tout de suite. en laissant tout derrière elles; D’autres, sont restées. La majorité je crois n’était pas vraiment inquiétée et a simplement continué son chemin. Je pense que les Japonais n’ont pas vraiment été sensibilisés à Tchernobyl, en 86. C’est loin. Et puis il y a l’image trompeuse de Hiroshima et de Nagasaki, car la vie y a repris et je crois que beaucoup faisaient l’analogie avec ces deux villes alors que les choses sont très différentes: Une bombe atomique c’est fait pour tuer le plus de monde possible très rapidement tandis qu’une centrale nucléaire qui explose va tuer beaucoup de monde aussi mais sur plusieurs dizaines d’années à petit feu. C’est pour celà qu’il ne faut pas comparer.
Mais bon rester à Tokyo pour nous c’était accepter le mensonge général du circulez y a rien à voir et partager une certaine culpabilité. J’ai fait analyser un échantillon d’urine de mon fils (à l’époque des essais atomiques atmosphériques dans les années 50 et 60 on détectait d’importants niveaux de césium dans l’urine des populations) on n’a rien trouvé ouf.
Et puis c’est l’analyse comparative de la pollution au césium de la terre de notre jardin à Tokyo et de la terre du jardin de mes parents en France qui nous a décidés à partir.
J’avais demandé à la criirad ce qu’ils pensaient de la concentration de césium mesurée dans notre jardin à Tokyo (cesium 134 …..85bq/kg cesium 137……129bq/kg). Ils avaient confirmé que ce n’est pas une valeur alarmante (compris dans les normes pour les aliments): bonne nouvelle pour tous les habitants de Tokyo et de la région.
Néammoins; le rapport de 10 entre ce que nous mesurions à Tokyo et le jardin de mes parents nous a décidé à partir. Vous voyez; pas vraiment une décision ‘scientifique’ mais nous avons alors suivi notre instinct.
Partir … nous ne voulions par partir pour fuir … on fuit mais on fait quoi; après ? Partir devait donc être un nouveau projet, une vie nouvelle, plus en phase avec notre nouvelle vision du monde; post Fukushima. Vivre à la campagne s’est imposé.
Un mois plus tard nous trouvions notre future maison dans l’ouest du Japon. Notre village ! Nous faisons le même test de concentration de césium sur de la terre prélevée autour de la maison (aucun césium de détecté) puis je dis à mon chef d’alors que je vais m’éloigner du bureau: aucun problème me dit il en s’allumant une cigarette; c’était une lucky strike.
Pour planter des mûriers
Il y a quelques pépites de belles nouvelles quand même, avec cette crise du virus on voit de beaux comportements, les gens qui jouent de la musique ou chantent de leur balcon; le club de foot romain qui apporte de la bouffe à ses fans âgés. Lefigaro parlait aussi quelque part de l’entraide qui se développait entre voisins. J’ai un collègue aux US qui a eu le virus et il est resté en quarantaine chez lui, il me décrit comment ses voisins déposaient de la bouffe au pied de sa porte.
Fondamentalement l’homme a envie d’être sympa mais le mode de vie, la mise en condition, parfois l’en dévient. (c’est le connarovirus).
J’écris tout celà de façon trop légère car avant tout il y a les médecins les infirmiers et tous les personnels qui se dévouent à soigner les malades tout en s’exposant et prenant des risques.
On voit le manque d’anticipation des politiques en Europe, c’est comme si tout le monde y était pris au dépourvu, ha y a pas assez de masques ha y faut faire des milliers de respirateurs alors que tout celà avait déjà commencé en Chine il y a plus de trois mois. Et l’Union Européenne. Je me dis que, pour l’Europe, le virus sera un coup plus dur encore que le Brexit .
Pendant ce temps, Poutine fait un coup de comm’ parfait en déployant des médecins militaires en Italie, et leur matériel, le tout air lifté avec neuf magnifiques IL 76. Démonstration de force.
News du village.
Il y a une vieille maison au toit de chaume qui est en cours de démolition, je me demande si c’est pas pour y construire une nouvelle maison. Il y aurait de nouveaux habitants qui viendraient s’installer ?
Pendant Fukushima en 2011n lorsque les réacteurs nucléaires explosaient nous étions à Tokyo, en plein milieu de la ville et un truc qui me foutait vraiment la pétoche c’était de ne pas être en mesure d’évacuer avec ma petite famille… nous n’avions pas de voiture, les trains sont tout le temps bondés de toute façon et faudrait imaginer tous ces milions de gens qui devraient évacuer en même temps. Ce serait impossible. Et puis, évacuer, vers où?
C’est l’un des trucs que je redoutais le plus. De nous retrouver bloqués.
Nous avons changé de vie depuis, en nous installant à la campagne maintenant ça fait 8 ans, et en effet nous sommes moins vulnérables, moins exposés aux aléas. Nous pouvons nous réchauffer avec notre bois, la rivière à côté apporte quantité d’eau et dans le jardin la nuit on entend les légumes pousser. Par contre en cas de typhon une partie de la montagne pourrait s’écrouler pour nous ensevelir en quelques secondes, faut pas l’oublier.
Nous avions coupé quelques cryptomères dans la montagne. Depuis je les ai un peu arrangés. Pour faire des enclos, pour protéger les nouvelles plantations de ces gros coquins de sangliers. L’année dernière les sangliers ont détruit plusieurs des arbres que j’avais plantés, et pour éviter ça je fais des barricades avec de beaux troncs d’arbres, posés les uns sur les autres, cela devrait constituer une défense efficace pour les mûriers que je souhaite y planter. J’utilise des kasugai 鎹 pièces métalliques en forme de U, comment dit on en français, pour fixer les troncs les uns aux autres.
Je fais deux enclos de un mètre quarante de côté. Je plante un mûrier dans chaque. Les troncs de cryptomère ensemble doivent faire une demie tonne, ça devrait marcher contre les sangliers, et puis bien sûr les filets, contre les chevreuils.
Pourquoi planter des mûriers ? Autrefois il y en avait partout dans la vallée, leur feuilles nourrissaient les vers à soie dont tout le monde faisait l’élevage.
Pourquoi en planter en montagne ? Ca a l’air très compliqué et il n’y a peut être pas assez de lumière. C’est vrai, c’est très compliqué mais bon ! je veux essayer.

Et puis un autre enclos de quatre mètres sur quatre, pour y mettre deux mûriers et aussi des Yamato imo, un genre d’igname. C’est une expérience, apparement ça pousse très bien en montagne, donc on verra.
Pour ce grand enclos les troncs d’arbre de quatre mètres sont trop lourds à porter, donc je les fends en deux avec une masse et un coin.

Quel boulot ! Et pour quoi ? Pour le fun ! Je vous dis c’est exténuant de faire tout ça mais travailler comme ça en forêt c’est un vrai bonheur, il y fait bon, marcher sur la terre, entendre quelques oiseaux, transbahuter des trucs ….


Comment ça se passe ici
On suit avec attention ce qui se passe à travers le monde, on se tient informé de ce qui se passe avec le virus. En Italie, en France, aux US. En Chine plus difficile de savoir ce qu’il s’y passe en vrai avec la censure et la propagande.
Paradoxalement je ne vois pas vraiment ce qu’il se passe au Japon. Il n’y a pas eu de confinement ou lock down et pourtant, malgré la proximité avec la Chine, source de la pandémie, il y a beaucoup moins de cas qu’en Europe. Est ce parce qu’au Japon l’on fait peu de tests ?
Ca ne peut pas être parce qu’ici on ne se fait pas la bise, ou qu’on ne se serre pas la pince …

On voit se développer sous nos yeux trois catastrophes: la première avec les très nombreuses victimes de la maladie, la deuxième la fragilisation des systèmes de santé avec les nombreux médecins et personnels soignants victimes eux aussi du virus (or, il faut dix ans pour faire un médecin), et finalement les retombées économiques et sociales du confinement et de l’arrêt des activités décidés pour freiner les deux premières.

Je sais ce que se murmurent entre eux les arbres les insectes et les oiseaux, à savoir que ce coronavirus pourrait les débarrasser des humains qui détruisent leur habitats! On peut les comprendre …

Quand le gouvernement Japonais a décidé la fermeture des écoles, je me suis dis, bon, soyons cohérent avec cette mesure, et réduisons nos déplacements. Contribuons à l’effort. Si bien que je ne quitte notre vallée qu’une fois par semaine au plus, pour faire quelques courses indispensables.
Ce confinement symbolique que je m’impose n’est guère contraignant car nous avons le jardin, notre montagne, sans parler de tous les chemins abandonnés dans la vallée où personne ne passe. On n’est pas à l’étroit.

(photo laissée floue pour épargner les âmes sensibles)
Rien que l’idée de rester au village et d’en limiter mes sorties me procure un grand calme, comme une sérénité. Se laisser un peu moins distraire. Il y a quelque chose bénéfique à ne pas sortir, à ne pas prendre la voiture et à rester dans son jardin, à, comme un chat, se limiter à un territoire bien défini et constant. Et puis, ouvrir un livre ou une bouteille et le territoire s’élargit soudain par magie.
Donc pour limiter les sorties j’ai puisé dans mes souvenirs … mon grand père Jean m’expliquait qu’à travers les âges nous avons pu survivre les crises et les guerres grâce au cochon: dans les campagnes chaque famille avait un ou deux porcs pour la viande de l’année.

Au Japon c’est différent, dans notre village aucune famille n’a jamais eu de cochon (je me suis bien renseigné là dessus) mais, me fiant aux paroles de mon grand père, dès les premiers jours de la crise, il y a un bon mois maintenant, j’ai acheté un jambon italien entier… un gros morceau de bidoche qui en effet nous aide à réduire nos sorties pour faire les courses. On en est arrivés à la moitié. Parce que sinon en effet j’irais à la superette acheter trois petites saucisses par ci, deux petits bouts de gras par là…. et il faudrait y retourner trois jours plus tard…
Pareil pour la bibine; Plusieurs caisses de bière sont venues tenir compagnie au prosciutto dans le frigo…

Mais ces choses matérielles mises à part, comment agir en temps de crise. Tout le monde dans sa vie vit ces moments plus ou moins longs, plus ou moins intenses, de crise, où tout peut basculer vers le néant. Je pense particulièrement à mes amis Syriens dont le pays a été précipité dans une guerre civile terrible (avec l’aide de nos gouvernements) … vous imaginez ce que ces gens ont vécu depuis des années maintenant… Mes grands parents en France tout comme mes voisins les plus âgés ici au village ont connu la guerre. Avant la deuxième c’était la première. Et il y en a eu beaucoup d’autres depuis.
Pour moi le premier moment qui nous a donné un avant goût de la fin du monde et tout remis en question, c’était la catastrophe nucléaire de Fukushima.
Dans ces moments, comment réagir, comment se protéger et protéger ses proches. D’abord il faut je crois s’informer pour pouvoir saisir la situation et bien comprendre les risques. Comprendre aussi comment nos actes peuvent impacter notre entourage. Aussi ne pas céder à la panique tout en acceptant nos propres faiblesses et nos propres craintes, car on est pas des super héros…
Bande Dessinée – Nouvelle Page 2 – Mars 2011
Il y a donc sept ans en mars 2011 ce tremblement de terre et la catastrof nucléaire qui frappaient le Japon. Article à ce sujet.
Ce sont des moments que nous n’oublierons jamais.
Au début je ne voulais pas évoquer ces événements dans ma nouvelle bande dessinée; souhaitant vraiment me focaliser sur notre vie actuelle à la campagne. Mais après réflexion il est clair que ne pas parler de mars 2011 et de ce qui a suivi laisse un point d’interrogation dans notre histoire: comment avons nous décidé de changer de vie, et comment avons nous pu passer à l’acte?
J’ai donc refait la page 2 de la Bande Dessinée il y a quelque temps. Et comme mars 2011 c’était il y a sept ans cette semaine, la voici.
Des nouvelles du sanctuaire détruit
Dans un article récent on voit un sanctuaire shintô qui a été détruit en partie par la chute d’un arbre gigantesque, lui même mis à terre par un typhon de grande puissance. La théorie des dominos.
On peut constater sur les photos récentes que tout a été dégagé. Les petits édifices qui avaient été endommagés ont été démontés. Et les poutres qui peuvent être brûlées ont été alignées, apprêtées pour un bûcher futur.
Nous sommes constamment impressionnés par la capacité des Japonais de ranger et tout remettre en ordre après les multiples catastrophes qui dans une procession ininterrompue viennent frapper l’archipel. On peut voir comment au prix d’efforts considérables les régions du nord dévastées par le raz de marée de 2011 ont été nettoyées des millions de tonnes de gravas. Idem pour la centrale nucléaire de Fukushima détruite (par contre; ranger les atomes et les remettre dans leur boite -de Pandore- est chose impossible), où l’on voit dans les reportages comment tout a été rangé, nettoyé, aligné, étiqueté.
Ainsi préserve t on peut être l’illusion que l’homme est aux commandes ? Il faudra que je pose la question à Minou notre chat.
L’espace vide, rectangulaire, où étaient les édifices avant le typhon, a été purifié. Il est délimité par ces cordelettes ponctuées des bandes de papier blanc (shidé, 紙垂). Je me demande quand les travaux de reconstruction vont commencer. Incessamment sous peu ?
Photo après le typhon
Photo après le dégagement de l’arbre
Avec les cryptomères (et Claudel)
Samedi. Hier. On part à 5 heures du matin. Destination, une petite vallée à 30 km au nord de chez nous.
La vallée est presque inhabitée. Recouverte de forêts de cryptomères plantés là il y a 40 ans, comme un peu partout dans la région.
L’endroit est très plaisant. Une magnifique rivière, ses belles pierres arrondies.
Autrefois, avant que les cryptomères ne se dressent sur leurs trente mètres de hauteur, c’étaient des rizières. En témoignent les anciens murs de pierre qui mettent les terrains à niveau. On exploitait alors le moindre terrain pour faire pousser du riz.
Mon copain S. a été engagé pour couper les cryptomères d’un grand terrain. Un investisseur de la ville y fera installer des panneaux solaires. C’est le boom du solaire ici au Japon et les panneaux solaires fleurissent un peu partout, jusqu’en des endroits à priori préservés. Quand on voit les déastres de l’énergie nucléaire, on ne peut être que pour le solaire. Mais j’ai des réserves lorsque l’on détruit des forêts et que l’on remplace des arbres par des panneaux. Toujours cette course pour la laideur.
Aujourd’hui j’accompagne S. Je chargerai mon camion des plus grosses branches de cryptomères. Le cryptomère est un bois léger, il brûle très vite. Mais c’est différent pour ses branches. Les branches sont beaucoup plus denses que le tronc et peuvent bien s’entendre avec un poêle a bois.
Toutes les branches font un gros tas sur une partie dégagée du terrain. Le travail consiste à dégager les plus grosses branches, les couper et les charger dans le camion. Un parfum étonnant de réglisses m’accompagne tandis que je m’affaire.
S. coupe d’autres arbres. Toujours impressionnant d’observer la chute de ces colosses au pied d’argile.
Le passage sur les cryptomères, dans Connaissance de l’Est de Claudel, me revient à l’esprit.
Avant de rentrer, S. charge son camion.
BD Tout Ira Bien: out of stock et réimpression
Suite à des commandes reçues récemment pour ma bande dessinée Tout Ira Bien, j’ai fini par être out of stock.
J’ai donc fait imprimer d’autres exemplaires de la BD.
Merci encore pour votre intérêt et votre soutien !
A4. 96 pages. Couleur.
Je vends la BD 2800 Yens soit 21 euros et des poussières. Le port est inclus pour toutes destinations à travers le monde (envoi par Japan Post).
Vous pouvez l’acquérir si vous le souhaitez en cliquant le bouton Paypal ci-dessous:
Notez, je pense que la page de Paypal sera affichée en Anglais par défaut.
Pour que la page s’affiche en Français il suffit de sélectionner dans le formulaire ‘France’ pour le pays, et l’affichage sera changé en Français.
11 mars 2011 … 5 ans déjà
Nous pensons avec émotion et tristesse à toutes les vies perdues et bouleversées par le tremblement de terre, le tsunami et la catastrophe nucléaire qui ont frappé le Japon le 11 mars 2011 et les jours qui ont suivi. C’était il y a cinq ans. Beaucoup de malheur et de destruction qui ont frappé le Japon et son peuple.
Je vais raconter comment nous avons vécu ces événements. A l’époque nous étions à Tokyo.
J’étais au bureau; vingt deuxième étage d’un gros building quand tout s’est mis à trembler. Ma femme était à la maison avec le fils.
Le bureau s’est mis à bouger. Au début les collègues avaient un sourire amusé, jusqu’au moment où on a compris que ce serait pas comme d’habitude, car les secousses n’arrêtaient pas et étaient plus violentes à chaque coup. Alors tout le monde s’est planqué sous son bureau. Le building où nous étions, un truc super classe construit en isolation sismique, faisait des bruits de craquements, et, au 22è étage ça tanguait fort. Les tiroirs des bureaux s’ouvraient et se refermaient comme animés par un poltergeist. Par la fenêtre on voyait l’autre building en face qui tanguait lui aussi comme une énorme barque et on voyait les deux gratte ciels se rapprocher dangereusement.
Tout a bien tenu, incroyable! Plusieurs heures plus tard la TV nous informait du tsunami qui ravageait la région au nord. Je n’ai pas du tout saisi l’ampleur du désastre sur le moment je dois l’avouer. Ma méconnaissance de la géographie. Les trains étaient arrêtés et il y avait des dizaines de milliers de personnes dans la rue qui rentraient chez elles, à pied. Je suis resté au bureau jusqu’à minuit afin d’éviter prudemment la foule et les mouvements de panique en cas de nouvelles secousses, et suis arrivé à la maison vers deux heures du matin.
C’est le lendemain matin que l’on a commencé à entendre parler des centrales nucléaires. L’explosion du premier réacteur devant les caméras des TV, le 12 mars. Tout d’un coup revenaient dans ma tête les images de Tchernobyl. Donc, quoi, Tokyo était tout d’un coup devenue Kiev ? Le 13 au soir le premier ministre japonais affirmait à la TV qu’il fallait construire un nouveau Japon; autrement dit la situation était incontrôlable.
Cinq ans ont passé et on peut affirmer que cela aurait pu être bien pire. Tokyo et le reste du Japon ont eu de la chance; d’autres trucs auraient pu péter, comme les piscines de combustible etc… Le Japon a su aussi garder sa cohésion sociale. Le prix à payer, humain, sanitaire, économique, est cependant considérable. Et ça n’est pas fini, car qu’en est il de la santé de ceux qui vivent dans les régions contaminées ?
Une catastrophe nucléaire se passeraient en France, les gens feraient la chasse aux agents EDF en représailles, j’en suis certain …. Ce serait un sacré bordel.
Enfin, sur toute cette histoire nucléaire j’ai écrit une bande dessinée …
Nous sommes restés à Tokyo jusqu’à ce que nous ayons l’idée de faire examiner un échantillon de la terre de notre jardin à Tokyo et un échantillon de la terre du jardin de mes parents en région parisienne. Je voulais comparer la quantité de merde radioactive qui était tombée dans notre quartier à Tokyo avec un lieu familier et pour moi synonyme de sécurité. … Combien de merde radioactive vivions nous donc avec …
Le résultat indiquait pour l’échantillon de Tokyo une densité de césium vingt fois supérieure à celle de Paris. Je pense que si le rapport avait été seulement de cinq ou huit nous serions restés … Mais vingt c’était bien au dessus du seuil (psychologique) que nous nous étions fixé.
Ca n’est pas très scientifique me direz vous mais sur la question nucléaire les avis sont tellement partagés et les informations tellement contradictoires.
Cela nous a donc décidés à aller voir ailleurs. Par contre nous ne voulions pas fuir pour fuir, mais partir pour construire quelque chose de nouveau. Aussi nous considérions que le risque s’imposait à long terme et pas forcement dans l’immédiat. Mon job étant dématérialisé, je pouvais le faire de n’importe où. Aller vivre à la campagne s’imposait. De fil en aiguille nous avons trouvé notre nouvelle maison.
Visite en ville (Kobé)
On est allés passer le week end dernier à Kobé. Un million et demi d’habitants. La ville est idéalement située entre la montagne et la mer, a une histoire riche et est assez cosmopolite. C’est une ville agréable, riche, on dirait vraiment Tokyo … en plus petit. Sans doute parmi les villes japonaises les plus agréables.
Si je résume, visiter une ville comme Kobé nous stimule, nous amuse, et nous vide.
La beauté et la laideur se côtoient. Il y a beaucoup de choses étonnantes et humoristiques. De très belles choses artistiques aussi … On n’a pas forcement tout ça dans nos montagnes.
Petite sélection des choses vues en moins de 24 heures….
The Best; une statue monumentale du robot Tetsujin numéro 28. La statue a été élevée pour marquer la reconstruction de la ville après le terrible séisme qui l’a dévastée en 1995.
On a vu aussi une superbe expo consacrée au sculpteur Katsura Funakoshi, au musée régional de Hyogo. A ne pas manquer. Le musée lui-même vaut le détour. Il a été conçu par Tadao Ando le célébrissime architecte.
Devant le musée, et sa face imposante, une statue gigantesque par Yanobé. Il semble que Yanobé ait changé de style. Auparavant il concevait des robots géants, des scaphandres, des sous marins, le tout équipé de masques à gaz. Il avait même visité Tchernobyl avec ses tenues caoutchouc jaunes apocalyptiques. Il y avait le thème récurrent du robot, de la catastrophe, de l’espace et de l’atome fou.
Depuis bien sûr, l’apocalypse s’est rapproché et est devenu une réalité palpable avec la catastrophe de Fukushima. Donc là cette sculpture monumentale est différente. Elle est d’ailleurs plutôt porteuse d’espoir. Et en plus on peut regarder sous sa jupe.
Un jardin d’enfant avec une girafe enchainée.
Des HLM municipaux annoncent la couleur avec la liste systématique des apparts.
Des containers à louer au mois pour entreposer des choses dont on n’a pas besoin.
Baseball, l’équipe Orix Buffaloes contre Softbank Hawks. Le stade est presque plein. On sent la ferveur populaire. C’est comme une grande fête.
Les supporters sont très bien organisés. Je crois que sous le soleil à gesticuler ils dépensent plus de calories que les joueurs.
Et Kumiko la vendeuse de bière.
Côté politique, une représentante du parti de la réalisation du bonheur. Sans doute le bonheur des dentistes ? Tout un programme en tout cas.
Et le représentant du parti politique dépendant de la secte bouddhiste Sôka, allié au parti libéral démocrate au pouvoir, lequel pousse pour le redémarrage des centrales nucléaires et la modification de la constitution pour permettre des opérations militaires extérieures. Allez comprendre ! Mais non il n’y a pas de morale en politique et comme l’a écrit Jules César dans la Guerre des Gaules; si c’est pour régner, tous les moyens sont bons. Sur la photo; le vénérable politique est entouré d’affiches pour des détectives privés; fugue, disparition, adultère, mise sur écoute discrète ou bien photographie en cachette, disparition d’animaux de compagnie etc …
Bande Dessinée « Tout Ira Bien »: Version Anglaise
Des nouvelles de la bande dessinée « Tout Ira Bien »: Je viens de publier la dernière page de la traduction anglaise. Disponible ici:
Hi there, just an update to say that the English version of my webcomic « Everything Will be Fine » is now fully published on the site below:
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