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Vivre (et mourir) au village

Il y a quelques semaines c’était la fête du obon. (obon: festival bouddhiste japonais honorant les esprits des ancêtres). Tous se retrouvent dans la salle des fêtes pour des danses etc. Il y a des petites choses à grignoter; à siroter, et ensuite un bingo pour le plaisir des petits et des grands. Une centaine de personnes.

Les familles parties vivre loin, à Tokyo, Nagoya, Osaka etc sont de retour pour quelques jours. Tout d’un coup, il y a beaucoup d’enfants dans le village. Beaucoup de têtes inconnues aussi.

Ça faisait longtemps que je rêvais de faire quelque chose, pour marquer le coup et pour remercier les gens du village qui nous ont accueillis il y a sept ans maintenant.

Cette fois-ci je me suis lancé, et j’ai fait un petit stand de crêpes. On a installé le stand de crêpes dans l’entrée de la salle des fêtes; personne ne pouvait le manquer.

Deux types de crêpe au menu: glace à la vanille et blueberries, ou flambées au rhum.

Les gens bien sûr ne s’attendaient pas à voir un stand de crèpes (j’avais quand mème demandé l’autorisation au préalable au chef du village), c’était amusant de voir leur surprise.

Ca s’est très bien passé. Les enfants faisaient la queue pour les crêpes. Et visiblement ils étaient très contents.

Les flambées au rhum ont eu du succès aussi, auprès des adultes.

Faire ce petit projet a demandé pas mal de préparation, j’ai fait plusieurs essais quatre week ends de suite pour ajuster la recette et obtenir la pâte adéquate. Il a fallu aussi construire un stand. Mais quelle satisfaction quand ça se passe bien.

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Dans les rizières le riz continue de pousser.

La semaine dernière un voisin, Monsieur T., est décédé.

Il est décédé à l’âge de 82 ans, après une longue hospitalisation.

Le soir, comme il est de coutume lors des décès, nous avons rejoint les autres villageois pour aller saluer Monsieur T et sa famille.

Nous entrons dans une très belle maison. L’épouse du défunt nous attend dans la grande entrée, avec ses enfants.

La dépouille de Monsieur T dort dans la pièce principale, sur les tatamis.

Derrière lui il y a un autel bouddhique. Une pastèque (du jardin) y est déposée en offrande. Dans cette pièce je remarque avec plaisir des bibliothèques emplies de livres et un beau piano. Il y a aussi les photos des ancêtres.

Nous sommes assis sur les tatamis, avec les autres voisins, autour de monsieur T.

Madame T nous décrit les derniers moments, comment tout s’est emmanché. Elle évoque les maladies et leurs complications qui avaient pointé le bout de leur nez il y a quelques années. La fille de madame T passe en silence et nous offre une tasse de thé.

J’écoute et j’observe, je regarde toute l’assemblée, et je me dis

ah je suis au Japon.

Vivre au Japon: c’était mon rêve depuis que j’avais 16 ans. Là, j’y suis vraiment. Y a pas de retour possible. Sur ce point de vue on a bien réussi.

Le lendemain, les pompes funèbres locales viennent prendre la dépouille de monsieur T pour la transporter jusqu’au lieu d’incinération.

C’est à 16 heures; nous nous retrouvons tous encore; à la sortie du village. Monsieur T a été porté jusqu’au corbillard.

C’est ce que l’on appelle le shukkan (出棺), le départ du cerceuil.

Le corbillard avant de partir fait sonner son klaxon, un klaxon spécial, au son doux et grave qui s’étend sur de très longues secondes.

Les grains de riz sont bien formés mais il faut encore attendre pour la récolte