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Cette année aussi, Tondo
Cette année aussi on a fait le Tondo avec les habitants du village.
C’est un grand bûcher, organisé 10 jours après le nouvel an. On assemble du bois ramassé par ci par là et du bambou.
On y met le feu. L’idée, en ce début d’année; c’est que s’exposer au bûcher, à sa fumée, à sa chaleur; garantit d’être en bonne santé pour l’année.
On jette aussi au feu les amulettes et les décorations utilisées pour le nouvel an.
Ensuite avec les braises chacun va fait cuire le mochi qui décorait la maison pendant le nouvel an. Kagami Mochi.
鏡餅 かがみもち kagamimochi ‘mochi du miroir’ pâte de riz gluant utilisée comme décoration pour le nouvel an.
Au village certains en profitent pour faire un barbecue, c’est ce que nous avons fait.
L’occasion de passer un peu de temps ensemble.
L’ambiance est bon enfant. Tous ensemble nous nous sentons en confiance et en sécurité.
Bien sûr l’alcool est là. Il n’y a pas de fête sans alcool.
T. nous raconte comment, adolescent, il a vécu pendant la guerre. Il était fan d’aviation et a failli s’engager pour rejoindre les escadrons de kamikazes. Il explique qu’il est bien content, aujourd’hui, de ne pas l’avoir fait.
特攻隊 とっこうたい kamikaze
H. lui nous raconte que après l’annonce de la capitulation du Japon en 45, avec le célèbre message lu par l’Empereur à la radio, il avait couru informer des soldats qui étaient au sommet d’une montagne à Kobe, et les soldats n’avaient pas voulu le croire.
T. raconte aussi comment autrefois, l’été; on priait pour faire venir les pluies. Les villageois allaient au sommet de la plus haute montagne. Il y faisaient un énorme bûcher et jouaient du tambour toute la journée.
Ma femme lui demande si cela avait quelque effet, et T. répond qu’en effet il pleuvait à chaque fois.
雨乞い あまごい amagoi prière pour la pluie
和太鼓 わだいこ wadaiko tambour japonais
T. ne voit pas beaucoup d’étrangers. Je suis peut-être le seul Européen qu’il ait rencontré, et il a plus de 80 ans. Quand on lui demande quel âge il me donnerait … il hésite un peu et dit ‘mmm entre 30 et 60 ans‘ ça laisse de la marge …
Un autre voisin arrive et se joint à nous, fortement éméché. Il nous raconte que sa famille est venue vivre dans le village après la guerre d’Ounin, en 1467. Après celà il s’éloigne un peu pour faire pipi, mais au lieu d’aller vers la montagne pour se dissimuler, il est déjà un peu trop bourré pour ce rendre compte, et va vers des maisons et fait pipi juste devant la route. Je rigole bien et un autre voisin fait la remarque que de toute façon il n’y a pas grand chose à voir.
応仁の乱 おうにんのらん ounin no ran la guerre d’Ounin
D’autres font allusion aux attaques terroristes qui ont frappé Paris et décimé l’équipe de Charlie Hebdo et pris la vie de nombreux autres innocents.
Le tondo et ces moments que nous passons en paix avec les voisins (ces voisins d’ailleurs pour lesquels je suis un étranger; né en France et arrivé tout d’un coup avec ma femme et mon fils sans aucun rapport avec eux… ni avec leur terre) … eh bien nous buvons et parlons ensemble. Nous nous acceptons les uns les autres avec nos différences de race ou d’âge. Cela ne veut pas dire que nous nous aimons les uns les autres pour autant, mais nous nous acceptons et pouvons discuter librement de choses et d’autres. Et en cas de coup dur nous nous aiderons mutuellement.
C’est ça; la culture, la civilisation.
Ce sont ces mêmes culture et civilisation que les terroristes souhaitent détruire et remplacer par le néant.
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