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Qui vient dans notre jardin la nuit ?
Mais qui vient dans notre jardin la nuit ?
Nous savons, aux crottes fraiches chaque matin, que la nuit ça se presse au portillon pour venir dans notre jardin …. D’ailleurs la fille de 4 ans de notre voisine nous dit toujours qu’il y a plein d’animaux chez nous la nuit. Voyez la réputation que ça nous fait…
Pour tout mettre au clair nous avons posé une de ces cameras qu’utilisent les chasseurs pour zieuter le gibier … Nous avons posé la camera dans notre jardin du côté de la rivière …. on sait que c’est par là que les chevreuils viennent …. ils descendent ainsi directement de la montagne …
Ces caméras sont dotées d’un détecteur de mouvement qui commande la prise de vue.
Et voyez qui nous avons pris sur le fait….
Un chevreuil tout mignon. Au début on dirait qu’il a remarqué la caméra; il semble l’observer un moment. Puis on le voit de rapprocher tout en broutant les herbes folles.
Réflexions sur le tondo
Donc, lundi prochain a lieu le tondo dans le village. Un grand bûcher. Comme chaque début d’année.
Le promeneur remarquera que tout le monde en ce moment veille à tailler les arbres et arbustes des jardins, car lundi ce sont les branches coupées qui alimenteront le bûcher.
Le bûcher va purifier le village, en consummant les branches coupées, mais aussi en consumant les amulettes sacrées, qui doivent être remplacées chaque année.
Autre chose à noter. Dans chaque maison les gens ont le kagami mochi, deux gâteaux de riz superposés qui sont la décoration traditionnelle du nouvel an.
Le jour du tondo, chacun récupérera des braises du bûcher pour faire des barbecues mais aussi pour cuire les kagami mochis et les manger.
C’est intéressant de voir comment tout s’emboite et forme un ensemble très cohérent. On voit là la clairvoyance des anciens qui s’est transmise jusqu’aujourd’hui à travers ces belles traditions.
C’est merveilleux n’est-ce-pas ?
« Rinpochou » ou chef de quartier de village
Bon, depuis, les singes sont partis.
Parlons un peu de l’organisation des villages japonais.
Le village est organisé en sous districts géographiques qui comptent jusqu’à quarante, cinquante foyers. On appelle le chef de district jichikaichou. 自治会長
Plus bas dans la hiérarchie, c’est le rinpo. 隣保 Notre rinpou compte quatorze foyers. Peut-être qu’on traduirait ça comme chef de quartier. Chaque année un chef de rinpo est désigné et on l’appelle le rinpochou. Cette année c’était notre tour. C’est d’avril à mars donc nous avons bientôt fini.
La fonction du rinpochou n’est en rien honorifique. Plusieurs tâches incombent en effet au rinpochou. Mais les détails varient d’un rinpo à l’autre et l’explication qui suit ne s’applique donc pas à tous les rinpos du Japon. Mais c’est pour vous donner une idée.
Collecte mensuelle d’argent. On va visiter chaque foyer pour collecter les contributions mensuelles à différents budgets.
Le budget du jichikai qui finance les activités de celui-ci. celà paie les frais de fonctionnement et alimente un fond pour financer des travaux ou des réparations dans le village.
Le budget du hanami. Chacun cotise 300 Yens par mois soit 3 Euros, pour la réunion annuelle du village sous les cerisiers en fleurs. Grande fête largement arrosée.
Le budget de voyage, pour ceux qui le souhaitent, c’est une cotisation mensuelle pour financer un voyage que les habitants du rinpo feront ensemble; une fois tous les cinq ans.
Le budget de la soirée annuelle. Pour ceux qui le souhaitent encore, pour un grand diner, une fois par an, dans une auberge de la région.
Ensuite, il y a distribution de certains courriers,
la lettre mensuelle de la municipalité,
la lettre mensuelle de l’école (oui, l’école fait une lettre mensuelle, préfacée par le directeur de l’école et composée d’articles écrits par les élèves, et cette lettre est distribuée à TOUS les habitants du village). On voit vraiment l’inclusion de l’école et des enfants dans la vie du village.
Il y a aussi les magasines mensuels des différents organismes agricoles.
Le rinpochou est aussi un relais d’information.
Dans le cas d’un décès dans un autre rinpo du village; le rinpochou est tenu d’informer tous les foyers de son groupe.
Si il y a décès dans le rinpo même alors le rinpochou est investi de la mission importante de représenter les habitants du rinpo aux obsèques. Il s’agit d’accueillir tous les visiteurs lors des cérémonies et de recevoir, compter; garder les centaines d’enveloppes apportées par les visiteurs. Chaque enveloppe contient de l’argent liquide et le rinpocho sera seul à garder ce précieux magot lorsque tout le monde sera parti; pendant la crémation du défunt, pour le remettre ensuite officiellement à la famille endeuillée, en mains propres.
Cette année alors que nous étions rinpochou il y a eu un décès dans notre rinpo et nous avons en effet tenu ce rôle.
On voit donc que le rôle de rinpochou est important, et qu’il faut l’accomplir sérieusement si l’on veut préserver la confiance de ses voisins.
Voilà aussi ce qui peut expliquer qu’il peut être difficile de s’établir dans un village au Japon. Car lors des moments difficiles comme lors d’obsèques, tous les habitants doivent pouvoir se faire entièrement confiance et compter sur les autres. On peut donc comprendre qu’il puisse y avoir une méfiance ou des réserves envers un inconnu qui viendrait s’installer.
Le rinpo, c’est comme un grande famille. Avec beaucoup d’occasions de rire et de passer des moments agréables, mais aussi éventuellement lors d’évènements graves et importants.
Cette année aussi, Tondo
Cette année aussi on a fait le Tondo avec les habitants du village.
C’est un grand bûcher, organisé 10 jours après le nouvel an. On assemble du bois ramassé par ci par là et du bambou.
On y met le feu. L’idée, en ce début d’année; c’est que s’exposer au bûcher, à sa fumée, à sa chaleur; garantit d’être en bonne santé pour l’année.
On jette aussi au feu les amulettes et les décorations utilisées pour le nouvel an.
Ensuite avec les braises chacun va fait cuire le mochi qui décorait la maison pendant le nouvel an. Kagami Mochi.
鏡餅 かがみもち kagamimochi ‘mochi du miroir’ pâte de riz gluant utilisée comme décoration pour le nouvel an.
Au village certains en profitent pour faire un barbecue, c’est ce que nous avons fait.
L’occasion de passer un peu de temps ensemble.
L’ambiance est bon enfant. Tous ensemble nous nous sentons en confiance et en sécurité.
Bien sûr l’alcool est là. Il n’y a pas de fête sans alcool.
T. nous raconte comment, adolescent, il a vécu pendant la guerre. Il était fan d’aviation et a failli s’engager pour rejoindre les escadrons de kamikazes. Il explique qu’il est bien content, aujourd’hui, de ne pas l’avoir fait.
特攻隊 とっこうたい kamikaze
H. lui nous raconte que après l’annonce de la capitulation du Japon en 45, avec le célèbre message lu par l’Empereur à la radio, il avait couru informer des soldats qui étaient au sommet d’une montagne à Kobe, et les soldats n’avaient pas voulu le croire.
T. raconte aussi comment autrefois, l’été; on priait pour faire venir les pluies. Les villageois allaient au sommet de la plus haute montagne. Il y faisaient un énorme bûcher et jouaient du tambour toute la journée.
Ma femme lui demande si cela avait quelque effet, et T. répond qu’en effet il pleuvait à chaque fois.
雨乞い あまごい amagoi prière pour la pluie
和太鼓 わだいこ wadaiko tambour japonais
T. ne voit pas beaucoup d’étrangers. Je suis peut-être le seul Européen qu’il ait rencontré, et il a plus de 80 ans. Quand on lui demande quel âge il me donnerait … il hésite un peu et dit ‘mmm entre 30 et 60 ans‘ ça laisse de la marge …
Un autre voisin arrive et se joint à nous, fortement éméché. Il nous raconte que sa famille est venue vivre dans le village après la guerre d’Ounin, en 1467. Après celà il s’éloigne un peu pour faire pipi, mais au lieu d’aller vers la montagne pour se dissimuler, il est déjà un peu trop bourré pour ce rendre compte, et va vers des maisons et fait pipi juste devant la route. Je rigole bien et un autre voisin fait la remarque que de toute façon il n’y a pas grand chose à voir.
応仁の乱 おうにんのらん ounin no ran la guerre d’Ounin
D’autres font allusion aux attaques terroristes qui ont frappé Paris et décimé l’équipe de Charlie Hebdo et pris la vie de nombreux autres innocents.
Le tondo et ces moments que nous passons en paix avec les voisins (ces voisins d’ailleurs pour lesquels je suis un étranger; né en France et arrivé tout d’un coup avec ma femme et mon fils sans aucun rapport avec eux… ni avec leur terre) … eh bien nous buvons et parlons ensemble. Nous nous acceptons les uns les autres avec nos différences de race ou d’âge. Cela ne veut pas dire que nous nous aimons les uns les autres pour autant, mais nous nous acceptons et pouvons discuter librement de choses et d’autres. Et en cas de coup dur nous nous aiderons mutuellement.
C’est ça; la culture, la civilisation.
Ce sont ces mêmes culture et civilisation que les terroristes souhaitent détruire et remplacer par le néant.
Ooya: un village sauvé par l’art ? (1)
Nous partons faire un petit tour, 100km d’ici, au nord de la préfecture de Hyogo.
Ce dimanche d’octobre est particulier. Partout où nous passons les villageois forment des processions et promènent les mikoshi des temples shinto.
Nous découvrons presque par hasard un village très intéressant; Ooya.
De vieilles bâtisses à deux niveaux témoignent de l’époque révolue où les villages vivaient de l’élevage des vers à soie.
L’une de ces vieilles maisons a été retapée et aménagée en café. De très belles et drôles sculptures en bois y sont exposées. Certaines sculptures, les poissons par exemple évoquent le monde merveilleux de Miyazaki Hayao. C’est le début d’une chaine de découvertes.
Plus loin un musée est dédié à la sculpture sur bois. De superbes oeuvres, par des artistes professionnels contemporains peuvent y être admirées. Très grande maîtrise technique; créativité surprenante et beaucoup d’humour aussi.
Au village, nous vivons tous les jours entourés de la beauté de la nature et observer ces sculptures est une expérience rafraichissante.
Il y a beaucoup de photos à poster ici. Suite dans la deuxième partie de l’article.
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