Tagué: faire revivre la campagne
La récolte du riz
Il fait encore chaud mais ce n’est plus la chaleur ultra humide dans laquelle nous avons cuit, dans l’étuve comme des gyouzas, ces deux derniers mois.
Dans le village, on a commencé à récolter le riz. C’est beau de voir les gars qui s’activent dans leur champs, le riz et le paysan ont bien travaillé. Il y a un résultat.


Je me balade dans le village, et vois un gars qui vient de récolter le riz de sa rizière, il charge son camion, sa moissonneuse a rempli déjà une belle douzaine de sacs.

Autrefois, m’explique-t-il, après la récolte du riz, on plantait du blé. On produisait ainsi deux récoltes chaque année, c’est ce que l’on nomme le nimousaku. 二毛作 Le blé est désormais importé, les prix sont très bas. On fait encore du riz, pour continuer la tradition et parce que le prix du riz est fortement protégé par des taxes à l’importation.

On voit bien comment l’importation du bois, du blé, a tout foutu en l’air dans les campagnes japonaises, et donc, les gens sont partis vivre en ville. Pour pouvoir vivre de la récolte du riz il faut disposer de sacrées surfaces. Dans notre vallée montagneuses, ce sont des retraités ou bien des salariés qui font du riz; c’est un passe temps plutôt qu’un business.
C’est dommage de ne pas faire deux récoltes, car maintenant, une fois le riz récolté, la terre est laissée toute nue exposée aux éléments pour de très longs mois. Bonjour l’érosion et l’appauvrissement des sols. Et puis les vers de terre, ils ont pas contents c’est sûr … Si on pensait plus du point de vue des vers de terre on ferait moins de conneries.
La promenade continue.
Au détour d’un chemin je vois un très beau keitora. (keitora; ou ‘camion léger’, indissociable des campagnes japonaises, fiable, maniable, serviable, ici on ne peut pas vivre sans ….) Il est neuf! C’est un Honda. Les keitora Honda sont réputés; le moteur est monté à l’arrière. Ce qui permet de les charger à fond, bien au delà des 350kg max réglementaires.

Tiens un gars arrive c’est le propriétaire de ce magnifique bolide. On discute … voilà dans le village, on discute avec tout le monde et il y a toujours un sujet de conversation à portée de la main.
Je demande si je peux le prendre en photo avec son nouveau camion…

Il dit: il va me durer vingt ans !
Cell ne m’étonne pas, le mien a 18 ans et fonctionne à merveille.
Quel beau projet ! (My hero)
Une belle rencontre faite la semaine dernière.
Je faisais un grand tour en vélo. J’avais remarqué cette belle ferme avec son toit de chaume (recouvert de tôles comme il est d’usage). J’étais un peu inquiet, il y avait des travaux, on démolissait une maison attenante.
J’étais inquiet que cette belle ferme soit elle aussi détruite. Ici on ne pense pas que les maisons durent, et on les rase facilement pour éviter les travaux d’entretien ou même de payer des taxes. Et personne ne s’intéresse à ces fermes.
Avec chacune de ces belles fermes s’en va un vestige des temps passés et une beauté d’architecture, à chaque perte le village perd de son caractère et de son authenticité.
Je m’approche pour en avoir le cœur net. Car les travaux semblent prendre plus de temps que de normale. Il y a un gars qui s’affaire … Il m’appelle, du haut de son échelle ‘hey wakame tamago‘ …
Ah ben, on se connait! C’est monsieur T. Nous avions rencontré son père, un autre personnage hors du commun…! Il est charpentier! Je lui demande ‘qu’est ce que tu trafiques … ‘
Il a en effet viré une maison des seventies qui était juste à côté de la ferme ….. mais la ferme, il va la restaurer.
Il va la restaurer pour y vivre avec sa famille.
A part la toiture, cette maison ressemble en tous points à la nôtre. Du point de la conception c’est tout à fait pareil. L’entrée, le doma. A droite la pièce où vivait la vache, et la cuisine. A gauche un espace avec quatre grandes pièces de tatami et le tokonoma (où se trouvait sans doute le butsudan). Dans les seventies ils ont dû ajouter une salle de bains … Etonnant que les plans de nos maisons soient tout à fait identiques. Notre maison a peut être 80 ans. Cette ferme de mister T. a plus de 150 ans et date d’avant de l’ère Meiji.
Il a retiré les planchers. On voit les foyers qui ont été arrangés dans l’après guerre, c’était lorsque l’on s’affairait à la sériciculture, l’élevage des vers à soie.
Tout cela me donne la pèche. C’est extraordinaire que T. le jeune charpentier se lance dans un si beau projet. Je suis content de constater qu’il y a des gens qui apprécient les vieilles bicoques … je me sens moins seul!
Ce projet de monsieur T. je vais le suivre à la loupe, et j’écrirai moults articles pour en présenter les évolutions et les partager sur ce blog.
remarquables charpentes.
au centre de chaque pièce on voit les anciens foyers utilisés lors de l’élevage des vers à soie.
le tokonoma
le vélo a peut être 150 ans aussi …
Planter des arbres ! !
[note: cet article a été écrit et publié avant les événements de Paris du 13 11 2015]
Après lire les horreurs des nouvelles du monde, on se dit qu’une des meilleures choses à faire, avec se saouler à la bière, ou épuiser ses nuits sur la playstation, c’est planter des arbres.
Ça tombe bien, nous avons un bout de la montagne en face de chez nous. L’année dernière nous y avions planté un marronnier, un figuier, un pommier, un cerisier, un grenadier et un cannelier.
Cette année il faut passer à la vitesse supérieure ! Car telle est désormais notre mission.
Nous allons planter vingt arbres cet hiver. Petits chiffres ! Faudrait faire dans la centaine ! dans le millier !
On va commencer par quatre noyers.
Resteront seize. Que planter ensuite ?
L’année dernière j’avais fait des cages métalliques pour garder les arbres de l’appétit des herbivores gourmands.
Problème, c’est onéreux, et très lourd à porter, jusqu’en tout en haut. Et les bouts de fer manquent toujours de nous blesser lorsqu’on les transbahute sur les faces glissantes de la montagne.
Cette année donc nous innovons et avons commandé au bureau des forestiers du village une vingtaine de filets plastiques biodégradables réservés à cet effet de plantation d’arbres dans les montagnes où les gourmands chevreuils pullulent. En plus ils sont légers. Ces filets ne sont pas en vente dans les grandes surfaces style Monsieur Bricolage, il faut donc les commander auprès des pros.
Je crois que, pour parfaire le tout, nous emporterons aussi un peu de musique dans la montagne, lorsque nous irons planter, comme les petits morceaux d’orgue de Bach, par exemple Herr Christ, der ein’ge Gottessohn, BWV601: les arbres seront heureux.
Voila !
Ooya: un village sauvé par l’art ? (1)
Nous partons faire un petit tour, 100km d’ici, au nord de la préfecture de Hyogo.
Ce dimanche d’octobre est particulier. Partout où nous passons les villageois forment des processions et promènent les mikoshi des temples shinto.
Nous découvrons presque par hasard un village très intéressant; Ooya.
De vieilles bâtisses à deux niveaux témoignent de l’époque révolue où les villages vivaient de l’élevage des vers à soie.
L’une de ces vieilles maisons a été retapée et aménagée en café. De très belles et drôles sculptures en bois y sont exposées. Certaines sculptures, les poissons par exemple évoquent le monde merveilleux de Miyazaki Hayao. C’est le début d’une chaine de découvertes.
Plus loin un musée est dédié à la sculpture sur bois. De superbes oeuvres, par des artistes professionnels contemporains peuvent y être admirées. Très grande maîtrise technique; créativité surprenante et beaucoup d’humour aussi.
Au village, nous vivons tous les jours entourés de la beauté de la nature et observer ces sculptures est une expérience rafraichissante.
Il y a beaucoup de photos à poster ici. Suite dans la deuxième partie de l’article.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.