Tagué: ferme japonaise
Dans la maison de Madame M
Voici quelques photos de la maison de la voisine que nous avons achetée cette semaine.
Mais vous savez, on est par ce que l’on fait.
On n’est pas par ce que l’on a.
Au fruit on connaît l’arbre. Matthieu 12-33
Voila un truc qui nous imprègne depuis notre installation à la campagne. En ville, je pensais plutôt être par ce que j’avais.
Avoir une maison en plus n’est pas donc vraiment significatif. C’est ce que nous allons en faire qui est important (à la rigueur).
Ceci dit; cette maison étant ancienne porte un message, et nous informe sur la vie dans le village d’il y a cinquante ou soixante ans. Voilà une chose qui nous intéresse.
La maison, et devant, le hangar à deux niveaux.
On pourrait s’asseoir sur le muret de pierres, siroter un ouiski en se trempant les pieds dans la rivière.
Pour le plan. C’est quasi identique à celui de notre maison. C’est plus petit, la cuisine est rikiki; et il n’y a plus d’engawa mais la structure logique est en tous points identique.

plan d une ferme japonaise traditionnelle
L’entrée, ou doma. Le plancher de la maison est surélevé. Par sur la photo, mais le doma est à hauteur du sol et ici recouvert de carrelage. Originellement ça devait être de la terre battue.
Dans l’entrée; des autocollants rappelant de contacter la police en cas de visite d’arnaqueurs. Il y a beaucoup de petits filous qui essaient de profiter de la crédulité de personnes seules et âgées. Moi quand j’en vois de ces filous, je leur montre ma tronçonneuse.
De l’entrée; sur la gauche. Au fond, le tokonoma avec la calligraphie. A la droite de celui-ci il y avait le butsudan ou autel aux ancêtres.
Notez la porte sur la gauche, elle ne donne sur rien mais indique l’existence autrefois du engawa.
On voit les quatre pièces de tatami adjacentes les unes aux autres; formant le caractère de la rizière, 田
Faisons marche arrière et allons voir la cuisine. Qui est face au doma. Difficile de faire plus simple pour la cuisine mais dans la version originale de la maison, la cuisine était sans doute en terre battue, avec un petit foyer que l’on nomme okudo san.
La cuisine donne sur deux pièces de tatami.
A côté de la cuisine ce signe rappelle de faire attention au feu. J’ai vu ce même signe dans une autre maison dans le village, lors de travaux. Il a donc dû être distribué à tout le monde, à une époque.
Les colonnes sont en marronnier. Celle-ci est plus conséquente que les autres. Située au centre de la maison on la nomme la kokubashira ou colonne noire.
La classe. Les murs sont en torchis et recouverts d’enduit. (shikkui).
Faut être un bon charpentier, pour utiliser des poutres courbées comme celle-ci. D’un point de vue esthétique je trouve que celà apporte une dynamique inattendue; dans une pièce où tout est droit.
Les cloisons coulissantes sont décorées, mais ça c’est plutôt standard.
Vue du tokonoma. Nous avons demandé à laisser quelques affaires, comme machine à coudre, instrument de musique, de thé, et calligraphie.
Si on se retourne on voit une autre pièce, et l’entrée du début.
Il faudra refaire l’électricité.
Quel beau projet ! (My hero)
Une belle rencontre faite la semaine dernière.
Je faisais un grand tour en vélo. J’avais remarqué cette belle ferme avec son toit de chaume (recouvert de tôles comme il est d’usage). J’étais un peu inquiet, il y avait des travaux, on démolissait une maison attenante.
J’étais inquiet que cette belle ferme soit elle aussi détruite. Ici on ne pense pas que les maisons durent, et on les rase facilement pour éviter les travaux d’entretien ou même de payer des taxes. Et personne ne s’intéresse à ces fermes.
Avec chacune de ces belles fermes s’en va un vestige des temps passés et une beauté d’architecture, à chaque perte le village perd de son caractère et de son authenticité.
Je m’approche pour en avoir le cœur net. Car les travaux semblent prendre plus de temps que de normale. Il y a un gars qui s’affaire … Il m’appelle, du haut de son échelle ‘hey wakame tamago‘ …
Ah ben, on se connait! C’est monsieur T. Nous avions rencontré son père, un autre personnage hors du commun…! Il est charpentier! Je lui demande ‘qu’est ce que tu trafiques … ‘
Il a en effet viré une maison des seventies qui était juste à côté de la ferme ….. mais la ferme, il va la restaurer.
Il va la restaurer pour y vivre avec sa famille.
A part la toiture, cette maison ressemble en tous points à la nôtre. Du point de la conception c’est tout à fait pareil. L’entrée, le doma. A droite la pièce où vivait la vache, et la cuisine. A gauche un espace avec quatre grandes pièces de tatami et le tokonoma (où se trouvait sans doute le butsudan). Dans les seventies ils ont dû ajouter une salle de bains … Etonnant que les plans de nos maisons soient tout à fait identiques. Notre maison a peut être 80 ans. Cette ferme de mister T. a plus de 150 ans et date d’avant de l’ère Meiji.
Il a retiré les planchers. On voit les foyers qui ont été arrangés dans l’après guerre, c’était lorsque l’on s’affairait à la sériciculture, l’élevage des vers à soie.
Tout cela me donne la pèche. C’est extraordinaire que T. le jeune charpentier se lance dans un si beau projet. Je suis content de constater qu’il y a des gens qui apprécient les vieilles bicoques … je me sens moins seul!
Ce projet de monsieur T. je vais le suivre à la loupe, et j’écrirai moults articles pour en présenter les évolutions et les partager sur ce blog.
remarquables charpentes.
au centre de chaque pièce on voit les anciens foyers utilisés lors de l’élevage des vers à soie.
le tokonoma
le vélo a peut être 150 ans aussi …
Un coin que j’aime beaucoup
Un coin que j’aime beaucoup dans notre petite vallée.
Ces trois vielles maisons, inhabitées je crois, avec leur toit pentu, autrefois toit de chaume, recouvert de tôles. Elles sont rudement bien placées, avec la montagne dans le dos mais un peu surélevées… Chaque fois que je passe la en camion ou en vélo je me dis que c’est un coin très chouette.
L’entrée de la vache
A droite de la porte de notre maison, une ancienne ouverture, à peine obstruée par une vilaine planche de contreplaqué.
C’était, autrefois, la porte d’entrée pour la vache. Les paysans avaient à l’époque une vache pour le travail des champs. Il y avait une pièce pour la vache, située à proximité du doma, l’entrée traditionnelle.
On m’a expliqué que l’on réservait à la vache le meilleur emplacement dans la maison, sage précaution, sachant que la vache était un bien précieux dont dépendait les récoltes.
Cette année nous faisons quelques travaux. Nous avons fait changer les gouttières qui étaient vraiment en fin de vie. Et vous faisons refaire l’entrée de la maison. Certaines parties du mur en terre battue (tsuchikabé 土壁ou arakabé 荒壁) s’émiettaient et il fallait rafraîchir un peu tout cela.
Quand les travaux seront finis l’entrée de la vache ne sera plus visible, il fallait bien écrire un article à ce sujet, donc.
A droite de la porte d’entrée, l’ancienne porte réservée à la vache de la famille. Les planches de travers seront le support pour poser l’enduit shikkui 漆喰
Before After
A regarder les photos prises avant les travaux et notre installation ici au village, je me dis que nous étions bien courageux, ou désespérés, ou simplement dingues ou tout à la fois, d’avoir plaqué Tokyo et son confort …. pour cette bicoque en bois. Mais nous l’avons achetée, et après quelques travaux .. C’est beaucoup mieux maintenant !
Promenade
Franchement, tout est beau. La nature resplendit avec ses palettes de verts. Le mois de mai est décidement un bon moment dans l’année; juste avant la saison des pluies et les grosses chaleurs bien humides de juillet et aout qui suivront.
Cette maison me fait penser à la maison dans Totoro. Pas le même style mais peut être la couronne de verdure qui la protège.
A même hauteur mais de l’autre côté de la rivière, ce morceau de village incrusté dans ses potagers.
On aperçoit la face d’une montagne écorchée, c’est qu’un habitant du village coupe les cryptomères (sugi) pour se construire une maison.
Si à partir du pont on va dans la direction opposée, vers le nord, on peut apercevoir ce joli groupe de maisons; entre montagne et rizières.
De retour à la maison nous faisons un crochet par le jardin où nous récoltons des radis et une fraise.
Notre maison
Je me rends compte que j’écris beaucoup sur la maison et certaines de ses caractéristiques, mais ne l’ai pas encore montrée dans son entier.
A gauche, le hanaré. C’est là que l’on s’occupait des vers à soie jadis. Et au centre, la maison où nous vivons. Dans le courrant de l’année nous allons faire des travaux et retapper le hanaré afin de pouvoir en profiter.
En ce moment nous travaillons dans le jardin. Nous allons faire un passage avec des traverses en bois qu’un voisin nous a données.
Et oui c’est le printemps et c’est très agréable de passer du temps dehors.
Le Doma
Ma pièce préférée de la maison, c’est le doma.
Doma s’écrit 土間:
Le premier caractère 土 signifie ‘terre’, le second 間 ‘espace’. Traditionnellement le sol du doma est en effet de terre battue; par opposition aux pièces dont le sol est en plancher ou en tatamis.
Le doma est l’entrée de la maison japonaise traditionnelle.
Chez nous le doma est carré.
Une face du carré est fixe, c’est une cloison, qui avant les travaux donnait sur un débarras. Autrefois ça donnait sur l’étable et la vache Marguerite.
Les trois autres faces du carré sont des cloisons coulissantes.
- Une vers l’extérieur.
- Une vers le salon cuisine
- Une vers le bureau bibliothèque.
Ce que j’aime avec le doma; c’est la transition douce qu’il assure entre l’intérieur et l’extérieur. C’est le sas de décompression entre privé public, entre confort et nature.
Il permet aussi d’accéder directement au bureau ou à la cuisine.
Il est spacieux et l’on peut s’asseoir sur un banc et mettre ses bottes sans se presser.
J’y ai fait d’ailleurs une boite à chaussures qui fonctionne aussi comme un banc. Nous avons mis un autre banc; histoire de prendre ses aises et que tout le monde aie assez de place.
Dans les maisons japonaises contemporaines le doma est remplacé par le genkan; un espace réduit où se chausser et se déchausser est, à cause du manque d’espace, trop souvent un exercice d’équilibre.
Le doma est vraiment adapté à la vie à la campagne.
On peut y poser des légumes fraichement cueillis du jardin, venir avec ses bottes pleines de terre, sans se soucier de salir l’intérieur de la maison.
Idem, le doma se prête à poser le stock de bois de chauffe de la journée. C’est peut-être d’ailleurs un bon équivalent de la cave, car il n’y fait ni trop chaud ni trop froid.
Le doma c’est un art de vivre ancien dont nous sommes bien heureux de pouvoir profiter !
Promenade de fin d’après-midi
évolutions
On estime l’âge de la maison principale -le corps de ferme- à 70 ou 100 ans.
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