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Restauration d’une maison ancienne
Il y a trois ans, un charpentier du village monsieur Tozawa a fait l’acquisition d’une maison ancienne, datant de 150 ans.
Voici l’article avec quelques photos de ce qui était le début de ce chantier de restauration. (2017)
C’est une construction typique. On note que le plan original de la maison est tout comme les nôtres: 4 pièces à tatami sur la gauche, avec dans la pièce au fond orientée Sud, le tokonoma et l’emplacement de l’autel bouddhique. A droite un espace pour la cuisine et une pièce où l’on gardait une vache. Tout cet espace à droite était directement aménagé sur la terre battue, tandis que l’espace à gauche était élevé par rapport au sol, avec un plancher. Il y a 8 ans cette structure, ce plan de la maison traditionnelle japonaise ici dans la région je m’y attardais dans l’un des premiers articles de ce blog formidable. Article
Mister T restaure cette maison ancienne pour s’y installer et y vivre avec sa famille. Il y travaille donc entre deux chantiers lorsqu’il a le temps. Ceci explique la durée du projet car, sinon à temps plein je pense qu’il torcherait le projet en 4 ou 5 mois.
La semaine dernière je me suis offert une belle balade à pied; histoire de marcher vers le sud, vers l’entrée de notre vallée à sept kilomètres, pour y acheter une bouteille de saké. En chemin je suis passé devant la maison en travaux et coup de bol monsieur T y était et m’a très aimablement invité à venir voir à l’intérieur, pas besoin de dire que je ne me suis pas fait prier.
La maison il y a trois ans

La maison Maintenant


La toiture a été refaite. A noter, sous la toiture métallique il y avait du chaume. (茅葺 かやぶき)Je suppose qu’il a laissé le chaume tel quel et qu’il ne l’a pas remplacé. Autrefois chaque village préservait un terrain où l’on faisait pousser les plantes nécessaires à la production du chaume; et ce pour les toitures des maisons. A savoir aussi que les plus pauvres utilisaient de la paille de blé pour leur toiture.
Ces deux photos ci dessous seront la pièce d’habitation principale. A noter les poutres impressionnantes, et d’origine.
Je note aussi que ce chantier est vraiment bien rangé et très propre. On mangerait par terre…


Les poutres et les colonnes sont gardées telles quelles. Tout celà a au moins 150 ans.
La maison est posée sur des pierres
A noter que la maison japonaise n’a pas de fondation. Les colonnes sont simplement posées sur des pierres. Il y a toute une théorie.
La maison japonaise est conçue pour osciller lors des tremblements de terre. Osciller par cela je veux dire que la maison, parce qu’elle est faite en bois, est souple et absorbe l’énergie cinétique du séisme, sans se briser. Pour cela laisser reposer la maison sur le sol sans être fixée à celui ci permet d’absorber l’énergie et d’éviter le mécanisme que les spécialistes nomment le retour de bite. C’est ce retour de bite qui peut faire briser des éléments de la construction sous l’effet du séisme.
L’idée donc c’est que la construction n’est pas seulement souple; mais aussi qu’elle flotte sur le sol.
Un ennemi: l’humidité.
Une maison en bois a deux ennemis. Les termites et l’humidité. Pas de termites dans la maison de monsieur Tozawa mais l’humidité a en effet un peu ‘bouffé’ les parties basses des colonnes. Nous avions vu cela aussi chez nous lorsque nous avions fait les travaux, en particulier dans la partie de la maison où l’on gardait autrefois la vache …
Mr T a soulevé la maison avec des crics, et a remplacé les partie basses des colonnes porteuses, endommagées par l’humidité, par de nouvelles pièces. On appelle cette technique netsugi 根継ぎ


Un point primordial, pour la maison japonaise qui est faite en bois et pour le climat japonais très humide l’été, c’est de garantir des ouvertures entre le sol et le plancher. L’aération permettra de réguler l’humidité et donc de préserver les structures en bois et mais aussi garder la maison de la visite de termites.
C’est pour cette raison que Tozawa laisse une ouverture entre le sol et les murs (on voit bien le filet de lumière sur la photo ci dessous): la partie entre le sol et le plancher sera donc toujours bien aérée.

La beauté des poutres
Tout ça c’est vraiment de la belle ouvrage comme on dit chez vous, et les photos suivantes s’attardent sur la magnifique charpente, vieille de 150 ans donc. Je pense que la plupart des pièces sont du marronnier (comme chez nous).
On ne peut pas ne pas admirer la belle dynamique des poutres qui s’emboitent les unes dans les autres. Et bien sûr les charpentiers de l’époque ont utilisé savamment les courbes de ces poutres.


Il faut remarquer que ces énormes poutres; qui datent de Napoléon III; n’ont cessé de vriller.
On voit bien comment cette tête de poutre (photo ci dessous) s’est déplacée légèrement de son support.
A noter aussi le mur en torchis d’origine sous la poutre. La partie neuve en latis sera ensuite recouverte de shikkui (enduit traditionnel)

Ici Mr T a remplacé une poutre par une nouvelle; et les intonations un peu roses du bois nous informent que c’est du cerisier. Avec de belles chevilles carrées (komisen 込み栓)

Voila!
Franchement ça fait plaisir de voir que monsieur Tozawa investit ainsi dans une ancienne maison.
Dans ce chantier on voit aussi sa maîtrise technique du métier ainsi que son sens de la beauté.
Un projet terminé: la maison de Mme M
Le problème d’eau chaude dans la petite maison de madame M est résolu. Il a fallu appeler le service après vente de la société du chauffe eau, un homme dans la soixantaine est venu le lendemain souriant et plein de gentillesse. Ah je suis déjà venu dans cette maison dit il et il se souvient de madame M.
Le chauffe eau marche au kérozène ou toyu 灯油. Le problème ? il y a un peu d’eau chaude qui sort au début mais au bout de deux minutes l’eau arrête de couler.
Après une rapide dissection du système on y voit plus clair, un petit moteur commandé électroniquement contrôle le flux d’eau en sortie du système de chauffage, et ne fonctionne plus. Remplacer le moteur serait très onéreux; car il faudrait remplacer un bloc de pièces et le monsieur à qui j’offre un bon café explique que retirer simplement le moteur et laisser la valve ouverte permettra d’avoir de l’eau chaude: le changement de températures se fera simplement avec un peu plus d’inertie. Ce sera très bien comme ça qu’on se dit.
D’ailleurs il y a quelques années j’ai eu un problème similaire sur le camion, le moteur de la direction assistée kaput. Le remplacer aurait aussi été onéreux (relatif au prix d’achat du camion de deux mille roros) Avec la même solution: simplement déconnecter le moteur de la direction assistée. On voit un certain désavantage de la technologie: les choses ne durent pas, et quand c’est kaput, on voit que l’on peut très bien faire sans. En tout cas voilà le problème d’eau chaude réglé!
Donc avec la résolution du problème de l’eau chaude je me dis que le projet de remise en état de la petite maison de Mme M est terminé. Certes il reste des choses à faire mais l’essentiel est fait.
Good timing car on fait une grosse nomikai (fête) avec les ‘jeunes du village’, dans la maison. Nous étions une bonne vingtaine.
Je n’ai pas du tout l’habitude de faire des grosses fêtes, ça n’est pas mon style, je suis plutôt du type solitaire ou alors petit groupe, mais d’abord comme la maison est prête je veux l’utiliser à quelque chose et puis dans le village il n’y a pas d’endroit comme ça où l’on peut se retrouver de façon conviviale.
Il y a donc un besoin.
Je crois que nous avons tous passé un bon moment. Pour la bouffe mister H, ancien lutteur sumo a préparé un méga chankonabé (le plat que se préparent les sumotoris). Il le prépare dans le doma (l’entrée de la maison).
Naturellement tout le monde s’y regroupe pour discuter. C’est beau à regarder, les cercles qui se forment et les discussions qui y naissent.
On voit ainsi la maison prendre vie. Je me dis, la dernière fois qu’il y a dû y avoir autant de monde ça a dû être pour un enterrement …
De mon côté j’ai préparé un civet de chevreuil. Il rencontre un certain succés. Et un gateau au chocolat aux noix et aux graines de tournesol.
Une jeune femme apporte des huitres et nous improvisons un petit feu devant la maison, il est rare ici de les manger crues. D’ailleurs, on indique à la vente si les huitres peuvent se manger crues ou non, histoire de qualité de l’eau.
Au Japon il est d’usage de mettre les photos des ancêtres dans les maisons, à côté de l’autel bouddhique ou butsudan. J’ai un peu imité cet usage en affichant la photo de mon grand père Jean alors dans le 76è régiment d’artillerie pendant la deuxième guerre, et celle d’un ancètre à la moustache très photogénique prise pendant la première.
Ces deux photos me valent beaucoup de questions…
Des visiteurs remarquent aussi un crucifix que j’ai installé dans une des pièces, et le prêtre bouddhiste du village qui est de la fête se met à prier…
Côté musique pour l’ambiance on met Beggars’ banquet des Stones, Fantaisie militaire de Bashung, du Haruomi Hosono et du JS Bach.







On discute tranquillement avec quelques bières

Dessus on fait bouillir des oeufs


ce qui ne manque pas de m’étonner




Quelques projets dans la maison: tabourets
L’installation de la petite maison que nous avons achetée l’année dernière continue.
Pour aller avec le bar, j’ai fait deux tabourets.
Le haut des tabourets est fait avec du cryptomère de notre montagne.
Pour les pieds j’utilise un bois plus dur et dense, que je ne sais identifier.


Voilà comment les choses devraient s’emmancher.
Même pour un petit tabouret il n’est pas évident de faire un truc parfaitement de carré. Plus tard je m’aperçois que le guide que j’utilise pour la scie circulaire impose une inclination à la lame de la scie …. ha … le moteur de la scie est trop bas ou le guide est trop haut … donc les angles ne sont pas bons…
Pour fixer les pièces de bois j’utilise des goujons (ダボ). Après c’est histoire de patience pour coller le tout.





Voilà c’est fini.
Je fais les deux tabourets à des hauteurs différentes.
C’est pas mal. Les tabourets vont bien avec le bar.

Quelques projets dans la maison: portemanteau
Pour l’entrée de la maison que nous avons achetée l‘année dernière, je fais un porte manteau.
J’utilise une petite planche de cryptomère, et des bois de chevreuil. C’est très simple, et associer ces deux matériaux provenant tous les deux des montagnes du village a tout son sens.


Ah oui j’aurais pu être dentiste, j’aurais gagné plein de brouzoufs en faisant des implants… ! la perceuse fait un trou dans le bois de chevreuil et j’y fixe un pas de vis.



Flash back (2)
Les travaux de la maison il y a sept ans c’était un peu spécial:
Nous vivions toujours à Tokyo et n’étions pas sur place pour pouvoir superviser.
Et comme nous n’étions pas du coin, nous ne connaissions personne sur place.
Et quand à moi je n’y connaissais rien; je n’avais aucune idée, de comment c’est fait une maison japonaise ancienne.
Etant donnés toutes ces difficultés le résultat était pas mal.
Depuis, j’ai fait la connaissance de S, charpentier du village et nous sommes devenus amis. Depuis aussi, j’ai pu observer plusieurs chantiers et j’ai pu apprendre beaucoup de choses sur le sujet.
Les travaux nous les avons faits avec un budget minimum. Tout ce qui pouvait être réutilisé a été réutilisé.




Mais bon à la fin le plus important c’est d’apprendre…

Ensuite transformé en débarras plus chiottes donnant sur l’extérieur; désormais changé en salle de bains plus chiottes.



Quel beau projet ! (My hero)
Une belle rencontre faite la semaine dernière.
Je faisais un grand tour en vélo. J’avais remarqué cette belle ferme avec son toit de chaume (recouvert de tôles comme il est d’usage). J’étais un peu inquiet, il y avait des travaux, on démolissait une maison attenante.
J’étais inquiet que cette belle ferme soit elle aussi détruite. Ici on ne pense pas que les maisons durent, et on les rase facilement pour éviter les travaux d’entretien ou même de payer des taxes. Et personne ne s’intéresse à ces fermes.
Avec chacune de ces belles fermes s’en va un vestige des temps passés et une beauté d’architecture, à chaque perte le village perd de son caractère et de son authenticité.
Je m’approche pour en avoir le cœur net. Car les travaux semblent prendre plus de temps que de normale. Il y a un gars qui s’affaire … Il m’appelle, du haut de son échelle ‘hey wakame tamago‘ …
Ah ben, on se connait! C’est monsieur T. Nous avions rencontré son père, un autre personnage hors du commun…! Il est charpentier! Je lui demande ‘qu’est ce que tu trafiques … ‘
Il a en effet viré une maison des seventies qui était juste à côté de la ferme ….. mais la ferme, il va la restaurer.
Il va la restaurer pour y vivre avec sa famille.
A part la toiture, cette maison ressemble en tous points à la nôtre. Du point de la conception c’est tout à fait pareil. L’entrée, le doma. A droite la pièce où vivait la vache, et la cuisine. A gauche un espace avec quatre grandes pièces de tatami et le tokonoma (où se trouvait sans doute le butsudan). Dans les seventies ils ont dû ajouter une salle de bains … Etonnant que les plans de nos maisons soient tout à fait identiques. Notre maison a peut être 80 ans. Cette ferme de mister T. a plus de 150 ans et date d’avant de l’ère Meiji.
Il a retiré les planchers. On voit les foyers qui ont été arrangés dans l’après guerre, c’était lorsque l’on s’affairait à la sériciculture, l’élevage des vers à soie.
Tout cela me donne la pèche. C’est extraordinaire que T. le jeune charpentier se lance dans un si beau projet. Je suis content de constater qu’il y a des gens qui apprécient les vieilles bicoques … je me sens moins seul!
Ce projet de monsieur T. je vais le suivre à la loupe, et j’écrirai moults articles pour en présenter les évolutions et les partager sur ce blog.
remarquables charpentes.
au centre de chaque pièce on voit les anciens foyers utilisés lors de l’élevage des vers à soie.
le tokonoma
le vélo a peut être 150 ans aussi …