Tagué: vie de village au japon
Que du plaisir
Vous avez pu noter, depuis quelque temps je fais des articles sur les plats que je cuisine dans un dutch oven; dans le jardin.
J’appelle ça ma dutch oven therapy.
Faire un feu dehors dans le jardin, mettre les ingrédients dans le dutch oven et regarder tout cuire lentement me fait du bien !! Ca me calme. Faire du feu et rester auprès du feu … c’est inscrit très profond dans les gènes et s’adonner à cette activité permet de bien se calmer et d’entrer dans un cercle de cohérence avec soi même.
Aussi depuis l’éte dernier je jeûne le samedi. Et faire la tambouille dehors le dimanche matin préparer le feu etc c’est comme démultiplier la signification de ce repas qui marquera la fin du jeûne du samedi. Ca forme tout un rituel ….
La semaine dernière j’ai fait un civet de sanglier. Encore cette fois j’ai filmé et mis sur youtube.
La première vidéo youtube je découpe les morceaux de viande. Denis vous confirmez n est ce pas, la beauté de la viande de gibier ! Une viande ferme. On y lit toute la puissance et la vitalité de l’animal sauvage. Ca n’a rien à voir avec les pauvres animaux d’élevage, dans leurs univers concentrationaires …. Quelle horreur…
Bref découper cette belle viande de sanglier procure du plaisir et permet d’admirer la beauté de l’animal.
Ensuite dans la deuxième vidéo c’est plus standard; dutch oven, feu avec du charbon de bois. Cuisson lente et avec quelques verres de vin rouge.
Ce qui etait super sympa la semaine dernière c est que un jeune voisin est passé voir les opérations. Et ensuite par hasard Saki chan est venu nous rejoindre. Le jeune voisin et Saki chan sont tous les deux charpentiers et donc tous les trois autour du irori c’est une belle conversation à laquelle j’ai pu participer.
Quand j’écoute de si beaux dialogues entre les villageois, les histoires qu’ils racontent dans leur patois si musical je regrette toujours de ne pas enregistrer ….
Autour du puits
Mon ami S charpentier en mi retraite a un petit chantier chez ma voisine Mme T: rehausser l’auvent devant son grenier.
C’est dimanche matin à 8 heures, je vais voir et j’apporte des cafés.
Le grenier en question date de Meiji, en Japonais on dit Kura. C’est là où l’on gardait les récoltes et les trésors de la famille. La construction faite avec des murs et des portes de torchis très épais est dite résister aux incendies.

Devant le kura il y a un puits que complète un évier en ciment.
Chez mes grand parents en Charente dans l’île d’Oléron; chez ma grand mère en Charente profonde il y avait un puits aussi…
Un auvent s’étend le long du kura. Il s’étend pour protéger le puits et l’évier des intempéries. Et celà crée un excellent espace pour les petits travaux, comme préparer les feuilles de thé par exemple.
Notre maison avait un puits parait il mais il aurait été bouché. Il se plaçait pas trop loin de là où j’ai mis mon bureau, peut etre qu’un jour; alors que je bosse, au téléphone avec mes collègues du Texas, pouff, le sol va se défaire sous moi pour m’engloutir dans l’ancien puits.

Un puits c’est vrai c’est un peu magique, c’est là où on pouvait planquer des trucs; tout ce qui dérange …. le bonheur est dans le pré … aussi dans le puits…
Deux poteaux supportent l’extension de l’auvent, un des deux est posé directement sur la terre (quelle mauvaise idée) et avec l’humidité du sol il s’est mis à racourcir, faisant pencher l’auvent. d’un côté..
Le travail consiste à 1 soulever l’auvent avec un cric, 2 poser une grosse pierre; 3 couper à hauteur le poteau déjà raccourci et le poser sur la pierre.
Le travail prend en tout une heure… Mais c’est la conversation du début…

Mme T, S. et s’assoient dans le jardin. Je distribue des espresso.
T et S se connaissent peu. Ils commencent à parler du village.
Mme T a plus de 80 ans. Elle parle de la guerre, les bombardements, les B25; elle était écolière à l’époque, S raconte comment sa mère qui y travaillait dans une usine de textile avait fui la ville de Himeji le jour de son bombardement (700 tonnes de bombes incendiaires larguées)…
Elle évoque les nombreux voisins et membres de la famille qui ne sont jamais revenus.
T raconte la période difficile de l’après guerre. Faut dire, c’était la misère. Pendant les vacances d’été avec sa mère elle faisait des sandales en paille de riz ‘wara zori’ qu’elles allaient ensuite apporter à l’école, pour que les élèves aient quelque chose à se mettre aux pieds. 藁草履
La conversation switche ensuite sur la période de l’avant Meiji et j’ai l’étrange impression que pour S et T c’est un sujet beaucoup plus confortable.
T sa famille est dans le village depuis huit siècles, elle parle de l’histoire de sa famille, puis elle demande à S, s’il n’est pas un descendant de Miyamoto Musashi avec, son nom de famille en effet ! Vraiment on est bien entourés.
Il confirme; dit d’ailleurs que son arrière arrière grand père était un samourai … il dit: ‘il coupait les gens’.. Cette expression me rappelle les films de Kurosawa qu’à une époque je visionais en boucle pour apprendre le japonais.
Dans les deux familles les katanas (sabres) ont tous disparus; ils ont été volés, à un moment ou un autre. S. dit qu’enfant ils avaient encore une lance à la maison (yari) et qu’ils l’utilisaient pour la chasse. Dans un autre registre mon arrière grand père Gaston utilisait une baillonette prise aux Allemands en 14 pour récolter les asperges dans le jardin …
Je vis au Japon, mais dans ces conversations, la France, pour moi, n’est pas loin du tout … les repères sont similaires.
Après les travaux, l’idée me vient qu’il faut pas s’arrêter comme ça, et je convie S et T à venir le soir manger quelques brochettes de poulet que nous feront griller dans le jardin.
Ce qui nous permet de passer une excellente soirée.
Pour les brochettes de poulet, j’ai fait reposer la viande de poulet dans ce mélange trouvé sur le Net: Huile d’olive, poivre et sel, de la coriandre, un peu de curry indien, des herbes de provence et du sirop d’érable.

J’utilise le compresseur pour booster le charbon de bois

Le village photographié par un drone
Un voisin a un drone et il a pris des photos. Nous qui avons toujours les pieds sur terre, cela change notre perspective…
A droite, un morceau de notre (petite) montagne.
Notre maison est la maison au toit noir, avec les murs blancs, presque au centre de la photo. On voit juste a cote les toits des abris pour le bois, du hanare, et la construction que nous avons faite cet ete (technology transfer).
Par contre j’ai beau chercher, je ne trouve pas Minou !!!
Le riz de cette année
Depuis notre installation dans le village nous mangeons le riz produit par monsieur K.
Ce matin monsieur K vient nous apporter le riz qu’il a récolté la semaine dernière. Le riz est livré en sacs de 30 kilos. Nous lui avions commandé trois sacs.
Ces trois sacs feront notre consommation jusqu’à l’année prochaine.
Pour nous remercier il nous offre deux bouteilles de thé.
Überproduktion
Oh ça sonne deux fois chez nous; y a quelqu’un qui vient,
C’est le voisin, le facétieux monsieur O., qui dans son potager a un gros problème de Überproduktion d’aubergines (なす).
Ces aubergines ne tombent pas dans l’oreille d’un sourd et feront d’excellents curry rice.
Premières neiges
Le village et les montagnes sont bien beaux sous (un peu de) neige ce matin!
Notre petite maison avec la montagne en background.
Une belle maison ancienne, plus d’un siècle. J’aime bien ce style de maison. Le toit est en chaume et recouvert de tôles.
Notre petite maison, vue de l’autre côté.
La table de jardin, faite avec des palettes, est aussi recouverte du duvet blanc. Il reste à poncer le dessus et peindre. On fera ça un peu plus tard, quand il fera meilleur.
Réflexions sur le tondo
Donc, lundi prochain a lieu le tondo dans le village. Un grand bûcher. Comme chaque début d’année.
Le promeneur remarquera que tout le monde en ce moment veille à tailler les arbres et arbustes des jardins, car lundi ce sont les branches coupées qui alimenteront le bûcher.
Le bûcher va purifier le village, en consummant les branches coupées, mais aussi en consumant les amulettes sacrées, qui doivent être remplacées chaque année.
Autre chose à noter. Dans chaque maison les gens ont le kagami mochi, deux gâteaux de riz superposés qui sont la décoration traditionnelle du nouvel an.
Le jour du tondo, chacun récupérera des braises du bûcher pour faire des barbecues mais aussi pour cuire les kagami mochis et les manger.
C’est intéressant de voir comment tout s’emboite et forme un ensemble très cohérent. On voit là la clairvoyance des anciens qui s’est transmise jusqu’aujourd’hui à travers ces belles traditions.
C’est merveilleux n’est-ce-pas ?
Tondo, préparation
Le Tondo, c’est un bûcher organisé dans chaque village au début de l’année. Une sorte de purification collective accompagnée de barbecue et de ripailles.
Ici le tondo aura lieu dans 10 jours. Tout le monde qui a l’occasion va déposer du bois à l’endroit habituel en guise de préparation.
Travaux collectifs: le nettoyage de la rivière
Une fois l’an, un dimanche après midi en décembre, tous les habitants du village se regroupent pour le nettoyage de la rivière. (voir aussi l’article écrit en 2012 sur le même sujet !)
Ici dans cette région du Japon les précipitations peuvent être soudaines et très importantes. Il y a aussi les typhons. Il est crucial que la rivière soit propre et qu’aucun obstacle ne vienne à freiner son débit. Sinon, il pourrait y avoir des désastres, comme des débordements, des inondations avec des maisons emportées par les flots déchainés ou encore l’effondrement de berges ou de ponts.
Le nettoyage de la rivière, c’est un événement important. Ca n’est pas unique; au Japon c’est très répandu je crois. Qu’en est-il dans les campagnes de France et d’ailleurs ?
En tout cas on peut apprécier de voir la petite communauté prendre le sort de sa rivière en main et unir ainsi ses forces cet après midi d’hiver, sans utiliser les resources ou les services de la municipalité, de la région ou de l’état. On n’est jamais mieux servi que par soi-même.
Tous les hommes se regroupent. On est en habits de travail. Tout le monde porte à sa ceinture une serpe kama 鎌, ou bien une hachette nata 鉈, ou encore une scie noko 鋸.
Le chef du village aura décidé des petits groupes qui vont se répartir le travail à différents endroits le long de la rivière. Puis on va couper les bambous ou encore retirer les poubelles ou les branches de bois mort qui encombrent le lit de la rivière. Tout le monde est très bien organisé. Il y a ceux qui descendent dans la rivière pour couper et tronçonner, il y a ceux armés de leur petits camions keitora dans lesquels ils vont charger toutes les coupes pour les emmener ailleurs, là où on ira faire le tondo plus tard en janvier.
Cette année notre équipe était chargée de couper et débiter un vieux marronnier dont le tronc courbe venait freiner le débit de la rivière pendant les grandes pluies. Je suis triste de voir couper ce bel arbre. Je voulais nettoyer la rivière, pas vraiment voir couper d’arbres. Mais bon, cet arbre, un typhon aurait pu l’arracher, et il aurait pu alors se ficher sous un pont et qui sait alors si le pont aurait pu résister à la puissance décuplée de l’eau. Le malheureux marronnier, finira d’ailleurs dans notre tas de bois pour être jeté dans le ventre de calcifer.
Après deux bonnes heures de travail on se retrouve tous au foyer du village, les hommes s’asseyent d’un côté et les femmes de l’autre. La bière, le saké, le shochu. Des bouts de cochon, une soupe, une salade de pattes mmm quel régal. Les gens sont de bonne humeur. C’est une petite fête.
Quel bon moment en bonne société!
Une pluie de légumes
On est bons copains avec la voisine d’en face.
Elle fait tout dans son jardin.
Sa famille descend des Heiké. Ils vivent dans le village depuis 800 ans.
Elle jardine beaucoup, et aujourd’hui a un problème de surproduction. On est toujours là pour l’aider dans ces moments difficiles…
Et la elle nous apporte trois brouettées de légumes !
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