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Une semaine riche en événements

Côté boulot la semaine dernière a été assez chargée avec la présentation annuelle des budgets. Je fais ce job actuel et les budgets depuis 12 ans mais chaque année le contexte est différent et les chiffres augmentent à chaque fois.

La présentation se fait en deux fois, la première à un VP (vice président) mercredi à partir de 4 h du matin puis la deuxième à un CVP (corporate vice president), le vendredi à une heure du matin.

Les deux présentations se passent bien. Même si je suis rodé, à ce niveau, les senior executives, car ils ont accès à toutes les informations du business, sous tous les angles imaginables, ont le don de poser des questions tout à fait inattendues … donc il y a toujours une dose d’adrénaline.

La première réunion le mercredi finit bien et même plus tôt que prévu, à 4 heures trente du matin. J’en profite pour foncer dans mon camion et rouler 8 minutes dans la nuit, attention aux chevreuils sur le bord de la route, pour filer jusqu’au convenience store du village (ouvert 24 heures sur 24) … pour acheter une copie du journal de Kobé.

Le journaliste m’avait prévenu que l’article sur CONTINUER ma dernière bande dessinée paraitrait mercredi. Autant dire que, entre les présentations pour le boulot, et cet article qui doit sortir ma tête est entièrement pleine, même qu’il en coule de par les oreilles.

https://www.kobe-np.co.jp/news/himeji/202503/0018794846.shtml

Et en effet il y a écrit un article énorme ! sur toute une demie page. Je suis super content…

Le titre d’ailleurs a plein d’impact … un travail global (international) et un BD super locale … ça m’a fait bien rire! il a fait mouche …


Plus tard, mercredi encore, deux artisans viennent installer des doubles fenêtres dans ma maison-bureau. En fait on laisse les fenêtres existantes et épaisses comme une feuille de papier de cigarette, mais on installe, côté intérieur, de nouvelles fenêtres, en supplément. C’est pour un peu mieux isoler la maison, car l’hiver on s’y pèle trop les vouilles … Le deuxième step sera éventuellement d’y installer un petit poêle à bois.

Si il n’y avait pas de contrainte d’espace, j’y ferais installer une cuisinière à bois, comme celle qu’il y avait chez ma grand-mère Hélène à Saint Félix dans les charentes … pour moi c’est un souvenir d’enfance, ce gros engin où l’on fait du feu, il y a des chevillette, des bobinettes et dès fois il en sortait une magnifique tarte aux prunes ! Ces souvenirs d’enfance sont inscrits profondément dans la mémoire…

Ca devait être un truc comme ça:

Si on me disait … tu gagnes au loto, tu veux une lambo ? non; je veux une vieille cuisinière à bois !!!

Ce serait cool, je pourrais faire cuire des tartes pendant que je fais mes présentations de budgets aux VPs …. Attention à que ça ne brûle pas ….

Les deux artisans font un super boulot. C’est une tâche délicate, car la maison est ancienne, et elle penche .. tout est un peu de travers .. ça n’est pas évident, et ça prend toute la journée.


La deuxième présentation le vendredi s’est également bien passée.

Je m’étais couché la veille à sept heures du soir, dormi comme un bébé, pour me réveiller à minuit pour la réunion avec le CVP cette fois. Continuant à travailler jusqu’à 8 heures du matin j’ai pris une énorme pause et suis allé travailler tout le reste de la journée dans le jardin c’était absolument magnifique. Il fait encore froid mais je prépare quelques semis, j’arrange des petits trucs… j’observe les coccinelles … les araignées ont la pêche …

Tout ce monde bien réel …

Plus tard dans l’après midi monsieur Ohino dont je parlais dans l’article précédent est passé à la maison m’apporter du riz qu’il a produit – sans labour, sans produit en cide – je lui en achète deux kilos, j’ai hâte de le gouter. C’est peut être comme le riz que jes gens mangeaient autrefois. Je ne comprends pas tout ce qu’il raconte; cependant…. C’est pas grave; j’ai l’habitude …

Et j’aimerais bien; cet été, aller voir sa rizière observer et prendre des photos … il doit y avoir plein d’insectes, de grenouilles … des serpents … ce doit être magnifique …

On prend le thé, il est venu avec son épouse et son jeune fils, à qui je montre un album d’astérix, le domaine des dieux .. ça a l’air de l’intéresser.


Entretien entre M Iwata et un jeune agriculteur

Hier j’ai bouclé le boulot tôt, vers midi, pour aller voir un entretien entre monsieur Iwata et un jeune agriculteur, établi à Himeji.

Toutes les deux semaines il y a ainsi un entretien, les dates sont alignées au calendrier solaire traditionnel en 24 divisions, durant lequel monsieur Iwata -78 ans- développe une conversation avec un guest. J’ai eu l’honneur par deux fois d’y participer et d’être interviewé. Pour moi aller voir ces entretiens c’est devenu comme une thérapie …

Ca se déroule dans un restaurant, un endroit magnifique, installé dans une ancienne ferme de 150 ans.

Tout y est beau, et rien que d’y passer deux heures, on se sent rafraichi et inspiré.

Si vous êtes à Himeji un midi et avez une bonne demie journée de libre je vous conseille d’aller y déjeuner (il y a un arrêt de bus mais il faut un peu marcher); contactez moi si ça vous intéresse.

Hier j’avais le soleil dans l’objectif optique de mon téléphone et ici j’emprunte les photos de https://www.instagram.com/komegalleryotemae/

Hier l’entretien était avec Ohino Takuya un jeune agriculteur qui produit du riz au nord de Himeji, en suivant une méthode entièrement naturelle et en orbite autour des principes:

  • pas de labour
  • pas d’entrant ni de sortant (no input no output)
  • ne considère pas les insectes et les ‘mauvaises’ herbes comme des ennemis.

Je pense que monsieur Ohino est obligé, pour que le public le comprenne, de définir sa méthode et sa philosophie avec des phrases négatives, car, oui 95 pour cents des agriculteurs et jardiniers ici: labourent, apportent plein d’entrants avec les engrais, et pour eux, les oiseaux les insectes les mauvaises herbes sont des ennemis !

On pourrait reformuler les définitions avec des phrases positives:

  • laisser la terre tranquille pour le bien-être de ses petits habitants et des plantes
  • laisser le riz se développer avec sa propre force intérieure
  • considérer les insectes les oiseaux et les herbes comme des guests…

Tout cela va au-delà d’une méthode technique pour produire quelque chose, c’est à n’en pas douter une philosophie de la vie !!! On voit d’ailleurs le calme profond de la personnalité de monsieur Ohino …


L’entretien est en deux parties de 30 minutes; entre les deux parties, un duo de musiciens du village -箱庭- joue des morceaux qu’ils choisissent en fonction de la saison ou du profil de l’invité… Hier ils jouent une chanson sur le printemps. Vous pouvez les suivre sur spotify.


Au cours de l’entretien je note ces quelques phrases:

できたらできたぶんをとる

Récolter ce qui est disponible

無理のない稲

Un plant de riz qui ne se force pas

田んぼの子供の声が聞こえる

Une rizière où l’on entend des voix d’enfants

いい田んぼ

Une bonne rizière

一人分作る

Produire assez pour une personne

Souvent ces entretiens ne fournissent pas de « solution » directe; prête à utiliser, non, mais, toujours, ils entrouvrent de nouvelles portes, des fenêtres cachées, ou oubliées …. à chacun ensuite de faire les premiers pas et de faire son chemin.

A propos, monsieur Iwata qui conduit ces entretiens est ainsi pleinement dans son rôle et sa qualité d’artiste: il dévoile des signes, et ouvre l’horizon vers de nouvelles possibilités.

En ce qui me concerne dans le jardin, je suis à 66 pour cents de la methode: je ne laboure pas, j’apporte cependant régulièrement du fumier de poules ou de cheval, quant aux oiseaux et les herbes, je ne suis qu’un locataire dans leur domaine …. Bien sûr j’aimerais pouvoir m’améliorer car je suis un jardinier bien maladroit ….

Récolter et consommer du makomo

Makomo. Une plante dont je n’avais jamais entendu parler. Un jeune agriculteur à 15 km d’ici en a planté dans sa rizière. Il y a même eu une petite fête organisée, en mai, et avec quelques dizaines de personnes, nous y étions allés, pour planter du Makomo. Ca se plante comme du riz.

C’était la première fois que je m’aventurais dans une rizière inondée. La sensation d’être les pieds dans l’eau, de s’enfoncer et de glisser dans la boue et de sentir le sol dur au fond c’est presque magique…

Tout ça c’est Reiko vraiment une personne formidable et pleine de créativité qui a monté cet évènement. Elle connecte les idées et les gens, car établie dans le même village que l’agriculteur elle monte une école d’agriculture et de noh. J’ai pu participer modestement puisque j’ai fait le dessin que cette école utilise.

Bref, la semaine dernière nous nous sommes retrouvés dans la rizière pour cette fois récolter le makomo.

Ce makomo, on peut traduire par riz sauvage. Or, ici interviennent les dieux, car par l’effet d’un champignon la tige du makomo va enfler et produire une tige blanche; gonflée et tendre, qui se consomme.

Ici un extrait de wikipédia pour prouver que je ne suis pas fou:

 mais pour la production d’un légume particulier : ses tiges enflées par les galles causée par un champignon du groupe des charbonsUstilago esculenta. Lorsque le champignon envahit la plante-hôte, il provoque une hypertrophie, augmentant la taille des cellules et leur nombre. L’infection par le champignon Ustilago esculenta inhibe la floraison de la plante et interdit la mise à graines de sorte que la plante doit être reproduite par multiplication végétative grâce à ses rhizomes. Les nouvelles pousses sont infectées par les spores présentes dans le milieu environnant, qui est généralement une rizière6.

Les tiges enflées sont récoltées comme légumes appelés gau-soon et kal-peh-soon6 (également, gau sun et kah peh sung)7 et jiaobai en Chine8. Leur nom japonais est makomotake9.

Aller dans la rizière on est entouré des ces tiges très hautes et on oublie rapidement le monde alentour. Les pieds dans l’eau on observe ce microcosme différent. Les araignées. Les grenouilles. C’est superbe. Parmi les tiges on cherche celles qui sous l’effet du champignon montrent cette protubérance blanche, on la coupe.

Rien n’est perdu avec le makomo. Arrivé à la maison on récupère ces parties blanches. Elles font penser un peu au salsifi et à l’asperge. Mais on garde aussi les grandes feuilles car séchées au soleil on peut les passer dans une grande marmite comme lorsque nous préparons le thé: on obtient une infusion délicieuse et sucrée.

Pour cuisiner le makomo on a essayé plusieurs façons différentes; cuit avec le riz, ou bien en poêlée avec du beurre.

Un vrai régal.

Lorsque en mai nous avons planté le makomo.

La rizière avec le makomo, pas encore récolté

Biotope vivant

Récolte

Récolte

L’agriculteur coupe les tiges récoltées

On voit bien les protubérances blanches…

Mais à la maison on récupère les longues tiges

Que l’on fait sécher au soleil. Puis je les passe dans une marmite

Et avec cela nous pourrons boire du thé de makomo!

Premier essai de cuisine avec les « choses blanches », à la poêle avec du porc

Un régal

Vous pouvez suivre l’agriculteur sur instagram et trouver plus de photos: https://www.instagram.com/yauchishizennouen24/

Visite de Kristophe Noel

Aujourd’hui Kristophe Noel nous a rendu visite au village. Kristophe vit en France et est photographe. Il travaille sur un projet d’exposition autour du lien entre l’homme et la terre. En fait, Kristophe nous avait contacté il y a quelques mois, après avoir pris connaissance de ce blog.

Vous pouvez consulter son site ici. Une description de son projet sur la terre.

Kristophe souhaitait rencontrer des habitants du village qui travaillent la terre ou ont un lien avec celle-ci.

Le projet de Kristophe nous intéresse beaucoup: La terre est la fondation de nos civilisations sédentaires, et c’est un point commun, universel entre la France et le Japon. Le sujet de la terre nous passionne: nous sommes conscients que l’agriculteur est le véhicule de notre civilisation; de ses fondamentaux, et cependant nos sociétés ont abandonné l’agriculteur, et s’en sont désintéressé. Il n’est plus au centre de nos préoccupations. D’ailleurs l’agriculteur lui-même pour la plupart a été transformé, mécanisé; vidé de sa signification; et désormais on le nomme exploitant agricole. Mais il faut aller à contre-courrant et s’intéresser à l’agriculteur. Car nous avons beaucoup à apprendre de lui.

Pour nous aussi c’est l’occasion de présenter des habitants du villages et peut-être; de les faire participer à une exposition photo. C’est aussi une façon de leur dire que nous les apprécions et que leur histoire vaut la peine d’être connue.

A son arrivée Kristophe nous montre le book des photos d’agriculteurs avec qui il a travaillé en France. Les photos sont superbes, authentiques et très touchantes.

Puis nous l’accompagnons et lui présentons quelques agriculteurs du village contactés à l’avance. Les gens que nous allons visiter nous accueillent chaleureusement. Ils sont aussi étonnés et surpris. Ca n’est pas tout les jours qu’un photographe français vient les voir, s’intéresse à leur vie et leur histoire, et leur pose questions sur questions. Kristophe parle Japonais, et la communication est très facile.

La journée passe très vite. Ce sont de beaux moments, rares.

visite kristophe noel DSC_1483

 

Kristophe commence d’accord par présenter son projet. Ici, il montre à monsieur O. le book des photos qu’il a prises en travaillant avec des agriculteurs français.

Les gens nous parlent de leur vie. Ils nous montrent leurs champs et leur tracteurs.

 

 

 

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