Tagué: ciseau à bois japonais
Refaire le plancher (2)
Tout le long de cette (grosse) opération j’observe S.
Je fais pas grand chose, je passe le balais; ramasse les débris, visse avec mon impact driver makita, mais plus que tout je regarde.
Je regarde comment S. qui doit avoir 65 ans et qui a commencé charpentier à 14 ans , en apprentis, je regarde comment il bouge, comment il manie le marteau. Son marteau il l’utilise selon cent manières différentes, des fois il caresse le bois avec son marteau, dès fois il le frappe comme s’il était un forgeron, je crois que n’importe quelle pièce de bois, elle lui obéit à son marteau, dès qu’elle en voit l’ombre, ou sent l’air qu’il chasse, la pièce de bois abandonne toute velléité, elle va là où le marteau lui dit d’aller.sous son mouvement; la pièce de bois, elle a pas le choix.
C’est tellement beau à regarder. Et puis il y a aussi le ciseau à bois.
Je luis dit à S., que l’observer comme ça comment il travaille à poser un nouveau plancher, c’est quelque chose de formidable, c’est le Bolchoï, le défilé du 14 juillet.
Il me dit si on fait ça pendant 50 ans, ça prend forme … 50年やったら、形になるで
Voilà. Tout est dit. On est à une époque où tout va très vite, où les choses semblent servies sur un plateau, mais S dans sa sagesse modeste remet tout à sa place, en une phrase courte et ajustée qui fait mouche, comme ses coups de marteau.
Après avoir tout dégagé nous posons les poutres horizontales qui supporteront le nouveau plancher. Elles proviennent de cryptomères que S. a coupé en montagne et qu’il a confiés ensuite à une scierie pour en tirer des poutres bien droites.


Tout ça c’est du solide.
Dès ce moment il faut bien calculer, la hauteur où doivent arriver ces poutres. Sur celles-ci on posera les tarukis (chevrons), et ensuite les planches du plancher. Il faut que les planches du plancher s’emboitent exactement dans le montant en aluminium des fenêtres. C’est au millimètre prêt. Une autre contrainte, c’est de faire un plancher droit et pas de traviole, alors que la maison, si on regarde bien, elle est un peu de traviole!



Je peux donner un petit coup de main en taillant des encoches dans les anciennes poutres où les tarukis viendront s’appuyer.


A regarder les détails, les marques d’outils, on devine que cet ancien tronc d’arbre a été ajusté à la hachette (ヨキ)
Ensuite on pose les tarukis


Et ensuite les pieds métalliques, que l’on fixe aux blocs de béton avec une colle spéciale.

On règle la hauteur des pieds métalliques. Donc voila un moment délicat, avec un fil on doit regarder dans toutes les directions comme sur un damier et on règle la hauteur des pieds pour que tout soit droit, et à la bonne hauteur. A certains endroit on entend bien que l’on force sur les poutres ….
Les six colonnes sont faites
L’abri que nous allons construire dans le jardin (technology transfer) aura six colonnes (hashira 柱).
J’ai fini les colonnes hier.
Je travaille dans l’atelier de S. Il me prête ses grosses machines. Il m’a fallu dompter cette machine infernale assez impressionnante au départ, qui avec quatre scies circulaires découpe des tenons en deux coups. Il faut rester concentré. Les Saoudiens pourraient utiliser cette même machine pour couper les mains des voleurs de poule, comme il est d’usage chez eux.
Le tenon découpé, il faut percer le trou pour la cheville.
Cheville komisen 込栓
Pour celà on utilise une perceuse spéciale qui fait des trous carrés, de la taille de la future cheville. (la cheville fait 5 buns de côté soit la moitié d’un sun, et cela correspond à la largeur de la sashigané … comme par hasard ….) ….
Ensuite on fait une petite entaille à 45 degrés sur le côté supérieur du trou carré avec le ciseau à bois. Cela permettra à la cheville de pénétrer plus facilement. (photo ci dessous avant de faire l’entaille).
Ensuite il y aura des hiuchi, ou arbalétrier c’est ça ? qui vont connecter la colonne aux poutres à 45 degrés. On prévoit des entailles dans les colonnes pour y accueillir (et soutenir) les hiuchi.
Pour ce faire on utilise ici aussi le ciseau à bois, j’en utilise un qui fait 1 sun et 4 buns de largeur. Très bien aiguisé il découpe le bois comme si c’était du beurre.
S. revient d’une partie de pêche et me montre au début comment se positionner par rapport au bois et aux outils etc … ici démonstration clope-au-bec avec un tsukinomi, ciseau à bois à manche long, que l’on utilise sans marteau.
Pour préparer ces six colonnes il y a donc toute une série d’opérations et de gestes à faire, une séquence précise à suivre. Et voyez vous tout celà est comme une danse, à la manière de bouger, de se positionner, et d’utiliser les divers outils. Il y a grand plaisir à faire tout cela.
Photos du dimanche
Un dimanche tranquille marqué par des pluies puissantes l’après midi. Quelques photos en vrac….
Idéal pour s’occuper des vieux outils trouvés la semaine dernière.
Ai remis en état le vieux sumitsubo.

ainsi que quelques ciseaux à bois.

Notre petit atelier est un vrai bazard. Y ajoute trois etagères pour compacter le bordel qui commence à recouvrir le sol. Etagères testées et approuvées aussitôt par Minou.



Dans le jardin les artichauts sont en fleur. Nos trois artichauts qui se battent en duel sont le sujet de conversation favori des voisins, curieux de cette plante exotique. Nous leurs sommes reconnaissants d’ajouter du mauve à notre palette de couleurs.

Le plein d’outils
Un peu par hasard, je récupère les outils d’un charpentier d’une ville voisine qui a cessé ses activités et fermé son atelier. Les gens voulaient se débarrasser.
Y en a un sacré paquet. Ca remplit presque le camion.

Certains sont exceptionnels (au moins pour moi)
De vieilles équerres sashigané. さしがね 差金 A noter qu’elles ne portent pas d’indication chiffrée.

Un ancien sumitsubo en bois. (sumitubo) すみつぼ 墨つぼ 墨壺

et avec une boite de coton spécial pour l’encre.

Une grande quantité de rabots (kanna) かんな 鉋


Un très bel ensemble de ciseaux à bois. (nomi) のみ 鑿

Un ciseau à bois au manche long, pour travailler les poutres.

Cette trouvaille arrive à un moment intéressant car je passe désormais tous mes week ends dans l’atelier de S le charpentier, où il m’enseigne les rudiments de son beau métier.
Un petit coup de pouce venu de dessus les nuages ?









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