Tagué: crane de chevreuil
Hanami au village
Cette année encore, ce dimanche les habitants du hameau se sont retrouvés pour faire un hanami: un grand pique nique, sous les fleurs des cerisiers.

Il faisait beau. Les cerisiers en fleurs étaient de toute beauté.

On se groupe par quartier ourinpo, soit un groupe de dix ou douze maisons. C’est le chef de rinpo de l’année qui arrange les boissons, thé, bière, shochu et les bentôs.
La maison de retraite amène une camionnée de vieillards, on les pose délicatement sur des chaises, ils sont bien, là, sous le doux soleil, et avec les employés ils entonnent des chansons d’enfants.
Monsieur K, conseiller municipal, prend sa retraite cette année. Il vient nous présenter son remplaçant, lequel; il faut remarquer, porte un costume trois pièces.

Sur la pelouse on déploie une grosse moquette et puis zouh des tables basses, quelques bancs, et c’est parti. Oh le bentô est magnifique! C’est un bentô à trois mille yens ça !

La bière se boit toute seule.
On parle de tout ou presque, du nom de la nouvelle ère, du manyoushu, ce recueil de poèmes du 8è siècle qui l’a inspiré, et du nouveau projet du voisin, avec ses plantations de vigne.

Ceux qui ont été malades parlent des opérations qu’ils ont subies. On s’attarde aussi sur les événements récents du village. L’installation d’une nouvelle famille.
Les enfants jouent. Ils découvrent dans un fossé le squelette d’un chevreuil. Ils ramassent les os, et les installent sur les branches d’un arbre. Un crâne, quelques tibias. Intéressant de voir comment cela amuse les enfants.
Le matin j’avais préparé des crêpes, elles reçoivent bon accueil, c’est un dessert bienvenu.

Une fois les bentôs terminés on s’en va butiner d’une table à l’autre, pour discuter avec les autres quartiers. On sort les bouteilles de shochu, cet alcool de patate douce. Les hommes et les femmes forment des groupes séparés.
Je fais la connaissance du petit fils de monsieur O, il a un an et est très mignon.
Un voisin qui travaillait pour une société de chemins de fer avoue; après des verres de shochu, avoir fait monter une jeune femme une fois dans sa locomotive. Il travaillait alors dans le fret. C’est génial!
Bien sûr tout le monde a ses soucis, petits et grands, mais sous les fleurs de cerisiers, on les oublie et on passe tous un excellent moment.

J’apprécie ce savoir vivre, ce savoir vivre ensemble que m’enseignent les voisins, dans leur grande générosité.
Un crâne de chevreuil et rêveries
Ce matin je vais faire un petit tour, histoire de faire une pause dans mon travail sur ordinateur. Je marche au pied de notre petite montagne … aperçois une forme blanche.
Après vérification en effet c’est bel et bien le crâne d’un chevreuil. C’est juste au bord de la route, mais dissimulé dans la végétation.
Il est très beau et serait un magnifique ajout au pare-choc de notre camion.
Quelques réflexions s’invitent. Attention, ça va délirer sec.
Ces os blanchis par la pluie et le temps sont l’empreinte minéralisée des animaux sauvages. Ils vivent autour de nous dans le même espace, mais pas dans les mêmes zones horaires. Je suis diurne. mais les chevreuils sont plutot actifs la nuit. C’est au crépuscule qu’ils s’approchent du village et pénètrent les potagers, alors que tout le village est devant sa TV, son ordinateur ou sa playstation. On peut donc penser à des mondes parallèles qui se superposent, et rarement se croisent.
Les ossements sont une sorte d’empreinte permanente qui est indépendante du temps. C’est comme si l’animal, une fois mort, devenait visible dans notre monde à nous (dans notre zone horarire).
Une autre réflexion, c’est que je ne trouve presque jamais de squelettes entiers. Par quels phénomenes les os disparaissent et se séparent les uns des autres. Il y a-t-il une force magique en action ?
Troisième réflexion, c’est que si j’avais une tonne de temps, si j’étais au chômage, je prendrais la peine de ramasser tous les cadavres d’animaux que nous trouvons souvent aux bords des routes pour leur offrir une sépulture chrétienne digne de ce nom dans la montagne. Je sais que la religion chrétienne est homo-centrique et qu’elle ne s’interesse que très peu à la chose animale. C’est là une grave lacune et j’y remédierais ainsi à ma facon.
Ces sujets sont -au moins pour moi- tout à fait passionnants et si j’en ai la force je les développerai dans un futur projet de bande dessinée. Intitulée Histoires Naturelles.
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