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Un crâne de chevreuil et rêveries
Ce matin je vais faire un petit tour, histoire de faire une pause dans mon travail sur ordinateur. Je marche au pied de notre petite montagne … aperçois une forme blanche.
Après vérification en effet c’est bel et bien le crâne d’un chevreuil. C’est juste au bord de la route, mais dissimulé dans la végétation.
Il est très beau et serait un magnifique ajout au pare-choc de notre camion.
Quelques réflexions s’invitent. Attention, ça va délirer sec.
Ces os blanchis par la pluie et le temps sont l’empreinte minéralisée des animaux sauvages. Ils vivent autour de nous dans le même espace, mais pas dans les mêmes zones horaires. Je suis diurne. mais les chevreuils sont plutot actifs la nuit. C’est au crépuscule qu’ils s’approchent du village et pénètrent les potagers, alors que tout le village est devant sa TV, son ordinateur ou sa playstation. On peut donc penser à des mondes parallèles qui se superposent, et rarement se croisent.
Les ossements sont une sorte d’empreinte permanente qui est indépendante du temps. C’est comme si l’animal, une fois mort, devenait visible dans notre monde à nous (dans notre zone horarire).
Une autre réflexion, c’est que je ne trouve presque jamais de squelettes entiers. Par quels phénomenes les os disparaissent et se séparent les uns des autres. Il y a-t-il une force magique en action ?
Troisième réflexion, c’est que si j’avais une tonne de temps, si j’étais au chômage, je prendrais la peine de ramasser tous les cadavres d’animaux que nous trouvons souvent aux bords des routes pour leur offrir une sépulture chrétienne digne de ce nom dans la montagne. Je sais que la religion chrétienne est homo-centrique et qu’elle ne s’interesse que très peu à la chose animale. C’est là une grave lacune et j’y remédierais ainsi à ma facon.
Ces sujets sont -au moins pour moi- tout à fait passionnants et si j’en ai la force je les développerai dans un futur projet de bande dessinée. Intitulée Histoires Naturelles.
Le cerisier éléphant
En explorant un chemin qui part dans la forêt je découvre une magnifique clairière, au bout de laquelle de vieilles tombes sommeillent. Ca n’est pas le cimetière principal du village. Il n’y a que quelques tombes.
C’est un lieu de paix. Le chant des oiseaux. Le calme humide de la forêt. On est totalement avec la nature. Les ancêtres qui reposent ici sont privilégiés. On les envierait presque.
Au pied des tombes s’étend dans un grand creux, une fosse: un ancien champ de théiers.
Là, un immense cerisier est effondré. Des ronces et la jungle un peu partout.
Plus tard je vais voir le chef du village. Et m’enquiers de cet arbre. Il est tombé, tout seul apparemment. Après vérifications je décide de récupérer le bois du cerisier dont Calcifer, notre poêle à bois, sera friand.
Voilà une entreprise un peu ardue pour mon niveau et mon expérience somme toute encore limités.
Il faut:
descendre dans la fosse,
dégager les criptomères effondrés et les ronces qui bloquent le passage,
atteindre le cerisier; tronçonner.
porter le bois jusqu’au chemin;
charger la brouette,
descendre la brouette sur cinquante mètres;
décharger tout;
et ensuite tout ranger dans le camion.
C’est beaucoup de travail, mais comme on voit à chaque nouveau projet, il suffit de chercher le meilleur angle d’attaque et d’y aller, tranquillement; et en faisant attention à ne pas se blesser. A partir de ce point là, il n’y a pas vraiment de risque. Il suffit d’y aller.
Le travail est intense et très agréable. Le cerisier est beaucoup plus grand que je ne l’avais imaginé. Et le bois, bien qu’un peu humide, est en excellent état.
A tronçonner cet arbre géant, j’observe et apprends sa structure. On peut imaginer comment il se dressait et emplissait la clairière de son énergie, avant qu’il ne tombe. Ses branches, énormes, font penser aux pattes d’un éléphant qui se serait échoué ici dans les bois. Je découpe les morceaux de bois avec respect et reconnaissance. A plusieurs reprises d’ailleurs je m’entends dire merci.
Je me dis que ce bois que je vais finir par brûler je le vole à la forêt car sans mon intervention il serait lentement retourné à la terre et aurait nourri des millions de petites bestioles et aurait embelli la forêt une nouvelle fois, de son énergie.
Il s’agit là d’un réel transfert d’énergie. L’énergie de l’arbre que le temps et les champignons et la terre auraient lentement absorbée; je la prends; la mets dans mon camion et Calcifer le poêle à bois nous la restituera sous forme de chaleur.
Les tronçons que je tronçonne. Je pense à ces images abominables des trafiquants d’ivoire (et le roi d’Espagne aussi) qui massacrent les pachydermes.
Pourquoi l’arbre, éléphant de la forêt, est-il tombé ? Suis-je dans le cimetière des éléphants ?
Là, deux des six jizos qui marquent l’entrée du cimetière. A leur pied, le cerisier éléphant.
C’était un cerisier géant.
que ma tronçonneuse démembre.
et que je charge dans la brouette bleue.
Le camion Keitora est plein, bien au delà de sa limite de 350kg.
Et on range le bois, sous un abri provisoire. Le temps d’agrandir l’abri bois …
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