Catégorie: matière
Typhon: destruction d’un sanctuaire shintô
Un typhon est passé il y a dix jours. Le vent a soufflé très fort. A certains endroits de la vallée il y a eu des dégâts. Des toitures endommagées. Pas mal d’arbres couchés.
Plus au sud, à 10km, un arbre s’est écroulé sur un sanctuaire shintô (jinja 神社). Shintô cette religion animiste unique au Japon, qui célèbre les déités de la nature. Dans sa chute l’arbre a détruit une bonne partie de ce jinja. Des parties du bâtiments ainsi ont été écrasées comme des mouches mais la petite construction qui abrite la déité a été épargnée, . On en aperçoit bien le petit toit, resté intact, comme par miracle. Je crois que cet élément se nomme justement le hondono 本殿.
Je ne connaissais pas ce sanctuaire. Il est situé à quelques kilomètres au sud de l’entrée de notre vallée, dans un endroit magnifique, comme c’est souvent le cas pour les jinjas. Dans une belle forêt. Il faut quitter un hameau et franchir une petite rivière sur un pont de métal, vert, pour y parvenir.
Des arbres majestueux entourent ce sanctuaire. Dès que l’on pénètre ce lieu on est ailleurs; il y a définitivement quelque chose de spécial, c’est palpable.

Mais c’est en réalité ce même sentiment qui nous gagne lorsque l’on entre en forêt; le fait de marcher sur la terre molle et vivante des bois, se baigner dans cette lumière soudainement verticale qui s’égoutte sur nous, nettoyée par le tamis des feuilles, vouloir respirer profondément, se mettre aux aguets, dans l’espoir de voir ou d’entendre des animaux; et être aux pieds de ces géants qui nous connectent à la fois à la terre, et au ciel.
Le sanctuaire shintô, le jinja, ainsi placé au pied des arbres, nous rappelle directement au caractère sacré de la forêt. Il y a une interdépendance. Le jinja est sacré car il est dans la forêt. La forêt est sacrée car elle abrite un jinja. Dans le hondono du jinja la déité est symbolisée par un miroir; où la silhouette des arbres et le silence feutré de la forêt se reflètent.
Cette fois-ci cependant avec le typhon et l’arbre qui a cédé sous l’insistance du vent, la forêt a porté un coup fatal au sanctuaire.
Les habitants du hameau tenteront sans doute de le réparer. Affaire à suivre.






Avec les cryptomères (et Claudel)
Samedi. Hier. On part à 5 heures du matin. Destination, une petite vallée à 30 km au nord de chez nous.
La vallée est presque inhabitée. Recouverte de forêts de cryptomères plantés là il y a 40 ans, comme un peu partout dans la région.
L’endroit est très plaisant. Une magnifique rivière, ses belles pierres arrondies.
Autrefois, avant que les cryptomères ne se dressent sur leurs trente mètres de hauteur, c’étaient des rizières. En témoignent les anciens murs de pierre qui mettent les terrains à niveau. On exploitait alors le moindre terrain pour faire pousser du riz.
Mon copain S. a été engagé pour couper les cryptomères d’un grand terrain. Un investisseur de la ville y fera installer des panneaux solaires. C’est le boom du solaire ici au Japon et les panneaux solaires fleurissent un peu partout, jusqu’en des endroits à priori préservés. Quand on voit les déastres de l’énergie nucléaire, on ne peut être que pour le solaire. Mais j’ai des réserves lorsque l’on détruit des forêts et que l’on remplace des arbres par des panneaux. Toujours cette course pour la laideur.
Aujourd’hui j’accompagne S. Je chargerai mon camion des plus grosses branches de cryptomères. Le cryptomère est un bois léger, il brûle très vite. Mais c’est différent pour ses branches. Les branches sont beaucoup plus denses que le tronc et peuvent bien s’entendre avec un poêle a bois.

Toutes les branches font un gros tas sur une partie dégagée du terrain. Le travail consiste à dégager les plus grosses branches, les couper et les charger dans le camion. Un parfum étonnant de réglisses m’accompagne tandis que je m’affaire.

S. coupe d’autres arbres. Toujours impressionnant d’observer la chute de ces colosses au pied d’argile.




Le passage sur les cryptomères, dans Connaissance de l’Est de Claudel, me revient à l’esprit.

Avant de rentrer, S. charge son camion.

Au pied de l’arbre sacré
Cette fois-ci pour la branche de l’arbre sacré, j’y vais à la tronçonneuse. Beaucoup trop gros pour scier à la main.

Il neige légèrement, le sol est mouillé et glissant. Je travaille le plus lentement possible et veille à enclencher le frein de la tronçonneuse entre chaque découpe, pour éviter tout accident.

Lorsque je tronçonne les parties les plus épaisses, le bois, coupé, apparait dans toute sa splendeur endormie.
Dans une vie antérieure, cet arbre a certainement été un cachalot. C’est vraiment ça …. ces couleurs, et cette sensation de puissance passive, de force silencieuse: un cachalot!




Cet arbre est majestueux. On voit bien la branche arrachée par la neige.

La petite construction derrière c’est le sanctuaire qui habite les jizous.

A ses pieds, on se sent tout petit….
Avec le bois obtenu je fais trois aller et retours avec le camion.

Montagne 2.0 (suite)
Gros progrès hier sur le projet de la montagne 2.0.
Mon ami S. a rangé les arbres coupés et a continué à établir un chemin pour pouvoir amener des engins jusqu’à la troisième terrasse. Il est maintenant à mi chemin.
Pendant ce temps j’élargissais le chemin d’accès avec le marteau piqueur.

Des ruches pour la montagne, et une petite Death Star
Nous avons planté beaucoup d’arbres dans notre montagne.
Et il faudra des abeilles aussi; pour parfaire le tout. Pas que je pense me lancer dans la production de miel; mais je veux faciliter l’installation d’abeilles dans notre montagne car toute la nature alentour pourra en profiter.
Un ami du village me donne trois vieilles ruches. Deux sont assez abimées. Il faudra les réparer. On voit dans deux ruches, que des abeilles s’y sont installées à un moment. On voit des restes d’alvéoles.
Dans la troisième ruche, ça a merdé; des frelons s’y sont installés; et l’on peut voir la petite DEATH STAR qu’ils y ont construit.
L’entrée de la ruche ne devrait pas faire plus de 5 mm. Les frelons font 6mm au minimum donc ils ne devraient par pouvoir y pénétrer.
D’après http://38qa.net/435/スズメバチ被害をなくす為の金網の網目は何ミリが良いでしょうか?またスズメバチは最小何ミリの網目まで通れますか?:
目安をお伝えします。日本蜜蜂働き蜂3mm 女王蜂4mm(逃亡防止器の隙間)
西洋蜜蜂働き蜂3.5mm 女王蜂 5mm
スズメ蜂 6mm(小型?)
Deux ruches sont très abimées. Nous les transportons cependant sans les ménager.
Une mini Death Star dans la ruche.
Vocabulaire
蜜蜂 Abeille
巣箱 Ruche
スズメバチ Frelon
Eponge pour l’année
Achetés au supermarché, pour deux cents yens soit moins de deux euros, les fibres d’une courge héchima. Nous les couperons en tranches, et cela fera des éponges végétales et naturelles pour faire la vaisselle.
Voila un bon achat !
L’année dernière notre fils avait cultivé des héchima à l’ecole et les avait preparées pour leur retirer la peau et la chair.
Visite chez les charpentiers
S. et ses associés vont construire une maison pour un de leurs clients le mois prochain.
Ils construisent à l’ancienne. Ils vont même couper les arbres dans les montagnes pour se fournir en bois. J’étais allé accompagner S. le mois dernier le regarder couper des criptomères.
Je vais les voir. Pour admirer leur travail et prendre quelques photos. L’atelier est simplement un toit qui les protège des éléments. Il n’y a pas de porte et tout est ouvert sur la vallée et les montagnes … En France et ailleurs tous les outils et les machine-outils auraient été chapardés depuis longtemps !
Quel plaisir que de les regarder travailler. Ils sont la, après la pause déjeuner, debout devant un petit poêle qui les réchauffe. ça discute.
Le regard s’attarde sur les poutres en préparation, et les outils. Vous remarquerez, les traits d’encre de chine, sur les poutres, indiquant la où il faudra découper les mortaises et les tenons.
On trace des traits avec je crois comprendre l’équivalent du cordeau à tracer chez nous. Si le cordeau à tracer trace avec de la craie, la version japonaise utilise de l’encre de Chine. Cet outil s’appelle Sumitsubo
墨壺(すみつぼ) sumitsubo Cordeau à tracer. litérallement, le pot d’encre de chine
墨(すみ) sumi encre de Chine
壺(つぼ) tsubo pot
Remarquez, la beauté de cet outil, décoré d’une grue et d’une tortue. L’association de la grue et de la tortue est symbole de protection et de longévité.
On dit aussi d’ailleurs 「鶴は千年、亀は万年」 la grue 1000 ans, la tortue 10000 ans.
Charpentier; quel beau métier, et quelle belle façon de le faire !
Le chauffage au bois en sept points
Se chauffer exclusivement au bois comme nous a des implications nombreuses et évidentes. Tentons de les décrire ici, en sept points.
1) Il faut un poêle à bois ou une cheminée. 🙂 Les cheminées en tant que telles sont des constructions illégales au Japon. (séisme) Au Japon faire installer un poêle a bois est onéreux. C’est donc un investissement conséquent. C’est un engagement financier, et aussi un engagement en temps et en travail.
2) Le chauffage au bois c’est opter pour un modèle économique alternatif.
3) Se chauffer au bois implique d’apprendre à allumer un feu. On peut toujours s’amuser avec cela. « Essayer d’allumer un feu avec une seule allumette ». Se chauffer au bois c’est en effet l’occasion d’apprendre beaucoup de choses differentes et de maitriser plusieurs skills.
4) Il faut également se procurer du bois. Et avoir un plan, pour stocker idéalement assez de bois pour deux années de chauffage.
Jusque là je me suis fourni en bois de multiples façons:
4.1) Récupération du bois de deux anciennes maisons détruites. La première fois la maison qu’un voisin du village a faite raser, la deuxième l’ancien hanare qui était dans notre jardin et qu’on a fait détruire. Dans ce cas le bois est très sec. Par contre il est plein de clous et d’autres objets métalliques. Il faut séparer les clous des cendres si l’on veut réutiliser les cendres dans le jardin. Et puis, il faut tronçonner et fendre le bois soi même. Un seul clou et hop, la chaine de la tronçonneuse est niquée, il faut donc être vigilant!
4.2) Quand on a sa propre foret on peut aller se servir tout seul, récupérer du bois mort ou encore couper des arbres. C’est ce que je ferai avec ma montagne. Mais c’est un effort physique considérable, que de descendre du bois de la montagne, sans utiliser d’engins mécaniques.
4.3) Acheter le bois. Au Japon le bois de chauffage est assez onéreux. Il faut avoir des connexions et des amis auprès desquels on peut acheter du bois à bon prix.
4.4) Il faut aussi être constamment à la recherche d’opportunités. Madame machin, 92 ans, veut se débarrasser de son marronnier dans son jardin ? Alors allons l’aider et coupons-le.
Cette activité de recherche du bois a une conséquence sociale et économique. On apporte du business aux amis, plutôt qu’a Kansai Electric Co. Voila un cercle vertueux. Je préfère donner mes sous à mon voisin qui a du bois plutôt qu’au EDF local.
Par contre on n’économise par forcement des sous. Le Japon n’est pas le Canada.
5) Tout cela, c’est BEAUCOUP de travail. Beaucoup de Travail = Beaucoup de temps.
Un travail physique, dont le résultat est visible et immédiat. Voir le tas de bois grossir et emplir l’abri bois, c’est gratifiant. Fendre les buches, d’un beau coup de hache qui fait mouche, c’est beau aussi. C’est un art. Cela implique la maitrise de la hache, et de certains gestes.
Dans tous les cas c’est un travail qui donne chaud, le bois nous réchauffe donc à plusieurs reprises. Lors de son transport, de sa préparation et de son stockage. Et finalement à la maison l’hiver le soir, devant le poêle à bois. Thoreau a déjà décrit celà.
6) Il faut pouvoir stocker le bois et le garder dans de bonnes conditions de séchage et d’aération. J’ai construit deux abris bois. Et suis sur le point de considérer la construction d’un troisième.
Abri bois principal
Deuxième abri bois. construit devant la maison de la voisine.
Pour les bricolos néophytes comme moi construire des abris bois est une excellente expérience. Fort de cette expérience, je pourrai, plus tard, construire des cabanes, sans grand problème je pense. Les principes sont les mêmes.
J’ai récemment mis la main sur ce nouveau stock de bois, maintenant sous un abri provisoire. les deux autres abris sont pleins à l’heure actuelle.
7) En dehors de ces considérations pratiques, il y a une dimension spirituelle qu’on ne peut oublier et qui dépasse même toutes les précédentes.
7.1) D’abord, ce contact permanent avec le bois. Cette matière qui est belle aussi bien morte que vivante. Le contact avec le bois est en toute occasion agréable et procure satisfaction.
7.2) Ensuite le travail physique qui est nécessaire. Ce travail, fondamental, primordial, me rattache a l’humanité, qui pendant des millénaires a effectué les mêmes gestes, et ce, jusqu’à l’apparition du chauffage au gaz ou au fioul. C’est enracinant, en quelque sorte. Le soucis d’avoir assez de bois pour chauffer la maison nous rappelle aussi à un autre mode de vie, où tout n’est pas disponible au bout d’une prise de courant ou d’un interrupteur.
7.3) Il y a finalement le feu. Le foyer. Allumé, le poêle à bois s’anime et devient comme une nouvelle présence a la maison. Comme un dieu protecteur et destructeur. On est moins seul.
Ooya: un village sauvé par l’art ? (1)
Nous partons faire un petit tour, 100km d’ici, au nord de la préfecture de Hyogo.
Ce dimanche d’octobre est particulier. Partout où nous passons les villageois forment des processions et promènent les mikoshi des temples shinto.
Nous découvrons presque par hasard un village très intéressant; Ooya.
De vieilles bâtisses à deux niveaux témoignent de l’époque révolue où les villages vivaient de l’élevage des vers à soie.
L’une de ces vieilles maisons a été retapée et aménagée en café. De très belles et drôles sculptures en bois y sont exposées. Certaines sculptures, les poissons par exemple évoquent le monde merveilleux de Miyazaki Hayao. C’est le début d’une chaine de découvertes.
Plus loin un musée est dédié à la sculpture sur bois. De superbes oeuvres, par des artistes professionnels contemporains peuvent y être admirées. Très grande maîtrise technique; créativité surprenante et beaucoup d’humour aussi.
Au village, nous vivons tous les jours entourés de la beauté de la nature et observer ces sculptures est une expérience rafraichissante.
Il y a beaucoup de photos à poster ici. Suite dans la deuxième partie de l’article.
Récolte des pommes de terre.

























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